Elections présidentielles - Quelques réflexions

Philippe Brindet -

L'élection présidentielle reste le grand moment de la vie démocratique française.

1 - La démocratie républicaine a dérivé

Surtout depuis Sarkozy, la présidence de la république semble concentrer bien plus de pouvoirs entre les mains du président qu'autrefois. En effet, le Premier ministre semble devenu un "technicien" aux ordres, alors qu'auparavant, il était éminemment politique et dirigeait réellement le gouvernement sous l'oeil attentif du président. Aujourd'hui, le président ne dédaigne plus de s'intéresser à des détails de gouvernement et même à se montrer médiatiquement lors d''événements très secondaires.

En conséquence, le rôle d'arbitre du président entre le gouvernement, le pouvoir législatif, mais aussi le pouvoir administratif, n'est plus tenu par personne. Semblant avoir pris partie dans le débat des institutions, le président est frappé de plein fouet par le moindre mécontentement de l'opinion. Et il ne peut plus se séparer de son premier ministre dans la mesure où ce dernier se contente d'appliquer exactement les instructions du président.

De même, l'intérêt supérieur de la nation n'est plus jamais mis en balance avec les décisions circonstancielles, de sorte que des décisions sont prises dont les conséquences à un niveau plus élevé ne sont plus contrôlées.

Bien plus simplement, la brièveté du quinquennat - terriblement long quand le président produit essentiellement de monstrueuses erreurs d'évaluation - ne s'adapte qu'à la préparation d'un électorat de ré-élection. Dans un premier temps, le président élu tente de donner satisfaction aux 25% de français qui l'ont élu. De la sorte, il mécontente au moins 75% des français. Dans une deuxième période, il prend "la mesure des enjeux", puis des décisions encore plus catastrophiques, qui mécontentent au moins la moitié de son électorat. A demi-paniqué - ou plutôt que lui, les spadassins qui l'environnent et qui jouent leurs postes politiques avec le mécontentement populaire - il presse son gouvernement de lui proposer des mesures de nature à "remonter" au plus vite hors du gouffre électoral dans lequel il est plongé. Et on entre ainsi dans la troisième et dernière période. Celle des promesses et des chèques en blanc tirés sur le quinquennat suivant avec baisse d'impôts, distribution d'argent public, accroissement de l'endettement et amusement de la galerie "bobo", ...

De ce fait, le président est plus orienté sur sa propre ré-élection et la sauvegarde des avantages de sa camarilla que sur l'intérêt supérieur du pays. Et cela est ressenti profondément par les citoyens.

2 - Le vivier de présidentiables

La question de savoir qui se présente à l'élection présidentielle est actuellement résolue de la manière suivante :

  1. Tout citoyen présentant les qualités requises par le Code électoral peut se présenter au suffrage. Cela repérente plusieurs millions d'individus.
  2. A cause de règles de financement, seuls des candidats présentés par des partis politiques labelisés par le ministère de la police ont le droit de se présenter au suffrage s'ils ont aussi les qualités de présidentiable rappelées à l'alinéa précédent ;
  3. Seuls, des membres de ces partis disposant de puissants soutiens à l'intérieur de ces partis sont en mesure de remporter les primaires qui leur font accéder à l'élection présidentielle. Les conditions dans lesquels ces soutiens se manifestent sont - et nous sommes au désespoir de l'insinuer sans aucune preuve judiciaire - du ressort mafieux. Pour parvenir à mobiliser les ressources du "parti", il faut en tenir les commandes. ET le candidat est "président" ou "secrétaire" ou tout autre titre ronflant qui exprime la position de maîtrise des commandes du parti ;
  4. Pour réaliser un décor "démocratiquement" présentable, on laisse subsister quelques candidats de fantaisie, comme autrefois Arlette Laguillier ou Alain Krivine, candidats que l'on enfonce dans l'obscurité dès la fin du premier tour.
Nous estimons que, tant qu'on laissera subsister cette méthode, l'élection présidentielle n'aura aucune légitimité démocratique. D'autant que le nombre de votants est de plus en plus inférieur à la moitié du corps électoral, de sorte que, l'élection présidentielle se jouant à 50% plus ou moins un ou deux pourcents, le président nouvellement élu rassemble moins du quart du corps électoral.

Pour qu'un président soit légitime, il faut que tous les candidats aptes à la fonction aient eu une chance raisonnable de se présenter et de faire une campagne digne de ce nom qui permettent de dégager des majorités dignes de ce mom soit d'au moins les 2/3 du corps électoral. Actuellement, il s'agit d'une parodie de démocratie qui se joue essentiellement sur des coups de marketing politique avec des "produits en promotion" tellement indifférents que le même nombre de voix se porte sur chacun d'eux. Un tirage à pile-ou-face ne fait pas différemment.

3 - Le problème des programmes électoraux

Qui dit "programme électoral" dit "promesses électorales", dont on sait qu'elles n'engagent que ceux qui les écoutent ...

Le problème des programmes de l'élection présidentielle réside dans la volonté de surenchère des candidats de faire assaut de propositions "novatrices" qui descendent à un niveau de détail inversement proportionnel à l'intelligence politique du candidat. Un sommet a été atteint avec les listes des récentes présidentielles qui étaient seulement destinées chacune à ce que quelques centaines de milliers d'électeurs et quelques centaines de politiciens y trouvent leur compte.La dimension historique d'un quinquennat, sa dimension nationale et même européenne sont alors bien évidemment oubliées.

Et ne parlons pas des programmes en forme de slogans idéologiques à peine dissimulés comme "faisons payer les riches", qui s'en moquent comme d'une guigne, puisqu'ils ont, par la finance et le commerce les moyens de transférer sur les pauvres la charge "fiscale" que l'Etat mercenaire leur applique. On peut même affirmer que, plus la charge fiscale est écrasante sur les riches, plus les pauvres payent. Et si les populistes étaient un tant soit peu "malins", c'est une réduction d'impôt sur les riches qu'ils devraient faire campagne.

Un vrai programme électoral pour une présidentielle ne doit pas porter sur le prix du transport urbain ou la collecte des ordures ménagères, même si ces deux sujets présentent un intérêt général. Il ne devrait pas porter sur le traitement du chômage, même si ce problème est un drame social d'une extension jamais connue. Il doit porter sur la mise en valeur des intérêts de la Nation et sur les conditions politiques permettant aux corps intermédiaires - gouvernement, parlement, administration - d'atteindre les objectifs d'intérêt national promis par le président élu.


Bien entendu, il y a très peu de chances qu'une seule des idées agitées ici soit seulement évoquée par les faits qui se dérouleront pendant la campagne présidentielle 2017. Tout au contraire, on verra des catalogues de centaines de mesures, toutes plus dangereuses les unes que les autres, et dont tous les gens sensés voient le caractère toxique, mais que personne ne dénoncera. Parce que le crépuscule de l'intelligence politique est déjà très avancé. Les idéologues veillent et se rassemblent en meutes, prêts à assassiner la moindre chance de sortie de crise.

Parce que la crise sert les intérêts d'une caste.


Revue THOMAS (c) 10.09.2016