La France a t'elle des racines ?

Philippe Brindet - 27 septembre 2016

Dans Le Monde - mais dans de nombreuses autres publications fiscalement rattachées à l'Etat français on se pose la même question - un auteur vénérable répond à la question :

La France a-t-elle des racines «essentiellement chrétiennes» ?
Le rôle des guillemets est essentiel dans un journal comme Le Monde et je recommande de ne pas le commenter ...

La question agite la classe médiatico-politique depuis que s'est déjà posée la question de savoir si la chose serait affirmée au sujet de l'Europe dans sa Constitution, aujourd'hui moribonde ou défunte on ne sait.

Autant dire que la question des racines semble ne pas porter chance à ceux qui se la posent. Ou à la société qui s'interroge ainsi.

Et en ce temps de bavards inactifs, on comprend pourquoi le concept de racines d'une société s'évanouit dès lors que les membres de cette société se mettent à en disputer.

En France, la mémoire des racines se perd extrêmement vite. Le plus souvent alors, une catastophe de grande ampleur survient et, en quelques années, tout le monde se met à avoir les mêmes racines. Lesquelles ? On s'en fiche un peu. Il suffit que ce soit les mêmes et pas celles de l'ennemi. C'est lui qui devient le révélateur des "racines de la France". Ainsi en a t'il été en juin 1940 avec l'appel gaulliste.

Simplement intelligent, le général que vous savez s'est bien gardé de définir ces "racines de la France" auxquelles il faisait indirectement référence à chaque instant. C'était un vrai homme d'Etat, lui. D'autres qui pensent être de ses successeurs s'en interrogent gravement avec des mines de professeurs en salle de classe, ou au zinc d'un petit bistrot. Mais ils peuvent aussi refuser d'en débattre parce qu'à la vérité eux-mêmes n'ont aucune racine autre que celle de leurs intérêts privés. Ce que le général de Gaulle - dont par ailleurs on peut critiquer de nombreuses décisions politiques - n'a jamais accepté.

Si malgré tout on écoute les uns et les autres, on constatera assez vite que deux groupes s'affrontent ici. Le premier groupe est celui des conservateurs. Epouvantés par les modifications ethniques et culturelles de la population vivant dans la zone fiscale dénommée France, ils agitent l'existence de "racines chrétiennes de la France". Ces racines sont-elles simplement chrétiennes ou essentiellement chrétiennes ? Laissons ce débat à de savants professeurs et à leur "journal" ...

Beaucoup de ces agitateurs de racines seraient bien en peine de définir ce qui en ferait le christianisme. Ils s'en moquent comme d'une guigne d'ailleurs. Mais dans leurs esprits fatigués d'inquiétudes la montée de l'américanisme, de religions exotiques, de populations lointaines est perçue comme une grande menace. Et l'agitation de "racines" leur semble l'ultime moyen de critiquer ces changements de culture, de civilisation, de peuples. Autant dire qu'ils savent qu'ils ont définitivement perdus la "guerre". La mise en avant de racines leur permet de ne pas désigner leur ennemi pour éviter de se faire pourchasser par des lois qu'ils ont souvent fait voter et qui punissent des peines les plus sévères ceux qui pensent ainsi.

Exaspérés par la moindre évocation "conservatrice", les progressistes éructent alors d'autres racines pour coaguler en un second groupe de "racinistes". Le plus souvent, c'est pour épouvanter les conservateurs. Là, ils évoquent 1789 ou même 1793. Autrefois, la mémoire de la guillotine calmait les plus excités des conservateurs qui rentraient dans le rang. Aujourd'hui, deux tendances traversent les conservateurs. La première est celle de l'ignorance. Ils parlent, mais ils n'ont rien appris. Et c'est normal puisque, conservateurs, ils ont été enseignés par l'école progressiste. Leurs racines, ou celles qu'ils agitent, sont sans mémoire pour eux. La deuxième tendance provient du fait que, en France, le christianisme est catholique et le catholicisme - au moins concilaire - est devenu entièrement progressiste. Les curés et leurs évêques ne croient plus qu'en un vague Etre Suprême qui a autrefois été prêché par ... Robespierre. Aussi l'évocation de racines de 1789 leur convient tout à fait.

C'est ainsi que l'inanité du débat sur des racines, fussent-elles essentielles, éclate si on se garde d'écouter les phobies des uns et les lubies des autres.

Aujourd'hui, ce n'est pas de bavardages sur des choses qui n'existent pas qui compte. C'est une action résolue.

A la limite, peu importe laquelle. Mais qu'elle soit faite avec de l'audace. De l'audace, encore de l'audace et la France sera sauvée ...

Tiens, ça ne vous rappelle pas quelque chose ?


Revue THOMAS - (c) 2016