Encore l'éducation nationale ...

Philippe Brindet - 10.11.2016

On pouvait lire ce matin dans Le Figaro :

Soumis à une même dictée, les élèves de CM2 font en moyenne 17,8 erreurs en 2015 contre 10,6 en 1987.

Les soutiens du système de l'Education Nationale réagissent très mal à ce genre de test dont les virgules appellent l'incontestabilité de la mesure scientifique. Le problème pourtant n'est pas de savoir si le thermomètre est mauvais, parce que le test ne plait pas, mais de conclure : Que déduit-on de cette mesure ?

Les gens normaux en général, quand le résultat d'un test est mauvais, recherchent la cause de l'insuffisance qu'il désigne et portent remède à cette cause. En France, les responsables de l'éducation nationale estiment que le test relève de l'atteinte à la démocratie et qu'il convient seulement d'éliminer les auteurs du test.

On voit que le fossé entre les gens est, en France, absolument infranchissable.

Et le problème relevé au sujet de l'orthographe souligné par le test de la dictée se retrouve dans pratiquement tous les domaines du savoir : analyse de texte, histoire, géographie, sciences naturelles, arithmétique, géométrie, et même instruction civique, malgré le matraquage idéologique imposé depuis des années même aux âges les plus faibles. Rien n'y fait.

Selon certains analystes, cependant, il existe encore une catégorie de gens qui accèdent à une connaissance minimale leur permettant d'assurer des études supérieures d'abord, puis des emplois dans les professions intellectuelles. Ainsi, les concours aux grandes écoles ou ceux comme les agrégations d'enseignement, conservent leur réputation.

A contrario, commencent à se faire jour des critiques importantes notamment au sujet du recrutement des professions intellectuelles et même dans les rapports des jurys de concours supérieurs. De nombreux candidats démontrent des ignorances dans des connaissances de base comprenant l'orthographe et la culture générale. Même en mathématiques, les candidats refusés aux grands concours dénotent de plus en plus des ignorances de connaissances élémentaires. Il faut se reporter à des déclarations notamment de professeurs de physique ou de mathématiques pour comprendre que le problème bien médiatisé du défaut d'orthographe en primaire est identique à celui des mathématiques ou de la physique dans le supérieur.

Qu'une petite élite puisse conserver des connaissances avancées et même générales importantes est déjà une bonne chose. Mais, on remarque que le niveau d'instruction se réduisant dans l'ensemble de la population, les maux liés au défaut d'instruction commencent à s'étendre.

De plus en plus d'employés notamment ne disposent plus des connaissances de base qui leur permettraient d'accomplir les tâches pourtant souvent routinières qu'ils sont chargé d'accomplir. Et on remarque la facilité avec laquelle les gens en moyenne se rallient à de fausses rumeurs ou à des croyances toxiques, tout simplement parce qu'ils ne disposent plus des instruments critiques qui leur permettraient, éventuellement, de résister à l'avalanche de tromperies qui occupent la culture et ses média.

Ainsi, de nombreux médecins se contentent avec conscience d'appliquer des protocoles sans aucune capacité à critiquer l'application du protocole quand ils l'appliquent au patient qui se présente devant eux. La même chose se retrouve dans d'autres professions quand on demande son avis à un spécialiste. Il se borne le plus souvent à répéter ce qui est généralement admis dans le milieu de spécialistes auquel il appartient. Et il est le plus souvent incapable d'analyser le cas d'espèce sur lequel on lui demande son opinion.

Or parfois, le spécialiste ainsi "ficelé" dans le conformisme de sa communauté de spécialistes sait parfaitement qu'il ne fait que répéter l'avis autorisé par sa communauté et il sait qu'il le fait pour éviter de prendre un risque à la fois vis à vis de son client qui se retournerait immanquablement contre lui si son analyse se révélait fausse, mais aussi pour ne pas se signaler contre l'avis dominant seul autorisé par sa communauté. En général, il attend la retraite pour commencer à émettre des avis contradictoires de la communauté.

Cette situation est illustrée en climatologie, domaine dans lequel le défaut d'instruction d'un grand nombre de membres a permis de faire triompher une idéologie scientifiquement infondée, le "réchauffisme climatique", qui s'est imposé comme "l'avis unanime de la communauté scientifique". Quelques scientifiques bien formés osent parfois à l'âge de la retraite émettre des critiques de l'idéologie "unanime". Ils sont bien connus en France.

La même chose se répète dans bien d'autres domaines, et notablement en matières médicales. Plusieurs esprits indépendants dénoncent cette passivité liée - à notre avis - à une formation insuffisante - et trouvent un écho favorable dans le public. Mais ils sont très souvent balayés par le système et disparaissent. On connaît plusieurs cas en France.

Toutes ces choses ne paraissent pas vraiment nouvelles. Mais elles s'étendent à de nombreux domaines d'activité et notre opinion est que cette situation proviendrait de la médiocre qualité du système d'instruction moderne. Il utilise des techniques d'apprentissage inefficaces pour de nombreuses raisons, généralement défendues par le pédagogisme, et la spécialisation à outrance et trop tôt dans le cursus d'instruction conduit d'une part à une certaine médiocrité chez les enseignants et à une disparition totale de l'instrument critique chez les étudiants.

Par ailleurs, les organisations humaines sont ainsi faites que les esprits les plus distingués sont rarement les moteurs des dites "communautés" qui régentent parfois de manière leurs membres plus avancés. C'est ainsi et les individus retardataires au plan des qualités et au plan de l'instruction savent qu'ils ne peuvent survivre qu' "en prenant le pouvoir".

Il semble donc vital pour l'avenir de la civilisation moderne qu'une instruction efficace soit rapidement restaurée partout. On est loin de ce souci.

Et pourtant, un autre problème apparaît.

Jusqu'à ce point d'exposé, on s'est concentré sur l'instruction supérieure et les professions plutôt intellectuelles. Mais, le problème est bien plus dramatique dans l'instruction élémentaire et intermédiaire, et de ce fait, parmi les professions élémentaires et intermédiaires, dont beaucoup sont occupées par des sujets n'ayant obtenus aucun diplôme sanctionnant une quelconque instruction. Ainsi, l'analphabétisme et l'ignorance de l'arithmétique sont responsables de véritables drames sociaux. De nombreux individus, malgré tout le respect qu'on leur doit, même s'ils savent à peu près lire, écrire et compter, ne pratiquent ces activités qu'avec répugnance et rareté.

Contrairement à une idée reçue, il ne s'agit pas là d'une cause essentielle du chômage, parce que ces failles ou faiblesses se retrouvent largement en entreprise ou dans les administrations. Pour illsutrer ce propos, il est aujourd'hui parfaitement possible de remplir les étagères d'un supermarché sans savoir ni lire ni écrire. Chaque produit est en effet doté d'une étiquette lisible par un lecteur automatique et le rayon est lui-même équipé d'une balsie de localisation de sorte que l'employé qui veut recharger un rayon dispose d'instruments lui permettant de placer le produit dans le bon rayon sans savoir lire ni l'étiquette du produit, ni celle du rayon.

Et la chose se traduit dans de nombreuses activités, particulièrement celles recourant à l'ordinateur ou au téléphone mobile.

En entreprise, le nombre d'agents incapables de lire un plan ou de prendre correctement des mesures est extrêmement élevé. L'entraînement permet à des agents bien limités de remplir de manière plus ou moins satisfaisante ces tâches. Mais, ils n'y ont pas réellement d'intelligence et se contentent d'exécuter la tâche jusqu'à satisfaction de celui qui contrôle le travail.

Il en résulte aussi que, dans la vie courante, les gens sont extrêmement soumis à ce qui est perçu comme "correct" dans leur milieu, et cette correction n'est que l'expression d'une volonté majoritaire sans qu'elle exprime la moindre rationalité ou seulement par le plus grand des hasards. Ainsi, les opinions politiques ne se fondent plus que sur des "on-dit", des bruits ou des slogans colportés par divers media, et, parmi ceux-ci, le web social avec son cortège de blogs, de messageries, de "tableaux" très souvent associés ou même limités à des images ou des séquences animées, brièvement commentés par des mots parfois à la limite du borborygme.

La baisse testée du niveau d'orthographe de l'école primaire est donc en fait générale dans la plupart des domaines d'activité de la société contemporaine. La misère profonde apportée par cette faillite du système pédagogiste est masquée par deux mouvements : celui de la spécialisation excessive des professions supérieures qui assure encore une certaine forme de progrès technique, l'accroissement du plaisir de consommation d'une fraction - en réduction - de la population, qui permet encore de croire que notre civilisation occidentale est la "meilleure".

Le réveil sera celui de la barbarie.


Revue THOMAS (c) 2016