Les malheurs de Fillon et l'Etat-Providence

Philippe Brindet - 03.03.2017

Ainsi qu'on le sait, peu après l'entrée en campagne présidentielle, les deux candidats réputés de droite, Marine Le Pen et François Fillon, ont été l'objet de poursuites judiciaires, ou d'enquêtes et autres opérations préliminaires à des poursuites judiciaires. Le tollé est général, les partisans de droite hurlant contre la justice de gauche et les partisans de gauche hurlant à la décadence morale de la Droite.

Le climat politique, de nul devient franchement délétère.

Ce que l'on sait des ennuis "judiciaires" de Mme Le Pen fait frémir ... Elle est soupçonnée d'avoir fait payer son garde du corps et une secrétaire sur des fonds européens. Pour faire "bonne mesure", on lui a récemment ajouté la diffusion de trois images violentes sur un réseau social.

Quand aux ennuis judiciaires de M. Fillon, ils tiennent au fait "redoutable" d'avoir salarié comme assistants parlementaires payés sur fonds publics sa femme et ses deux enfants , au moins l'un d'entre eux étant soupçonnés d'avoir bénéficié d'un emploi fictif. Et cela depuis vingt ans. Et le fait a été découvert il y a quelques jours ... Pour ces faits - dont il conteste la qualification délictuelle - M. Fillon voit son crédit politique pratiquement annulé par une campagne médiatique haineuse et irrépressible. Dont cependant il n'est pas certain qu'elle lui interdise l'entrée à l'Elysée ...

Mais, sauf modification profonde - et soudaine - des institutions légales, les ennuis judiciaires de Mr Fillon peuvent se conclure en sa défaveur à tout moment , ou dans vingt ans ... A la discrétion des magistrats français. Indépendants.

On ne peut pas oublier que, lors de la campagne pour la primaire de "La Droite et du Centre" qui l'a vu triompher haut la main sur Juppé, Mr Fillon s'est complu dans une posture de probité se gaussant d'un "éventuel" candidat qui serait mis en examen, c'est-à-dire soupçonné de délit ou de crime par la "justice de son pays".

Il n'a fallu ensuite que quelques semaines pour que sorte l'affaire de l'emploi d'assistante parlementaire de sa femme.

La défense de Mr Fillon a été extrêmement maladroite. En réalité, le coup l'a pris sans que lui-même ou ses collaborateurs l'ait vu venir. Et ils ont "pagayé" un long moment. Aujourd'hui, le candidat semble rasséréné. Mais sa défense tient en deux points :

  1. je n'ai rien à me reprocher
  2. je resterai candidat quoi qu'il en soit.

Aucune contre-offensive. Rien pour aboutir à un compromis avec les inconnus qui ont pris sa bonne foi à l'insu de son plein gré ...

A l'inverse, Mme Le Pen a recommandé à ses juges de ne pas se louper .. parce que, si elle arrive à l'Elysée, ... Bien sûr la gauche n'a pas aimé du tout la menace. Mais les gens de gauche savent ce qui leur adviendra si ils lâchent le manche ...

Avec Fillon, le problème n'est pas du tout le même. Fillon est un homme du "centre-droite", c'est-à-dire que c'est un homme de droite qui se soumet aux règles de gauche. C'est exactement la définition du "centre -droite", tandis que celle du "centre-gauche" vise un homme de gauche qui exploite les idées de droite ... Macron, comme parfait symétrique de Fillon ...

Laissons le cas de Mme Le Pen qui, elle, est franchement ... Au fait, nous n'en savons rien.

Le problème de Mr Fillon, c'est que à cause de son centrisme, il est contraint de se plaindre du triomphe des règles de gauche. Et la règle de gauche à cause de laquelle il est tombé est celle de l'Etat-Providence. Voyons comment.

L'enveloppe budgétaire avec laquelle le député peut salarier ses assistants parlementaires est en fait quelque chose comme une subvention de l'Etat qui est versée au député. Dans l'interprétation de gauche, il s'agit bien d'argent public. Fillon clame le contraire. Pour mémoire, cette enveloppe a été "inventée" par Edgard Faure en 1975, inspiré subitement par une visite au Parlement US. Le fait que l'enveloppe est gérée par le député, lui permet de choisir qui bon lui semble pour exécuter les tâches d'assistant parlementaire. A la différence, le Parlement aurait pu mettre à disposition de chaque député un fonctionnaire du Parlement pour l'assister dans ses tâches. Ce n'est pas le système français.

Juridiquement, l'employeur de l'assistant parlementaire n'est pas le Parlement. C'est le député lui-même. Et l'attribution de l'emploi ne passe par aucune procédure du Code des marchés publics. Le contrat est un contrat de travail de droit privé. Mais l'argent "d'origine" est radicalement public. Et il arrive au député exactement ce qui arrive à une entreprise industrielle qui s'est laissée tenter par les subventions d'Etat. Cette entreprise subventionnée peut bien entendu embaucher qui bon lui semble. Sauf que, l'Etat peut, sans avoir recours aux tribunaux civils et encore moins commerciaux, exercer n'importe quel contrôle de droit social, de droit fiscal ou de droit des sociétés qui lui convient à tout moment sur cette entreprise qui seulement eu la bêtise de cocher une case dans un formulaire fiscal ..... La tromperie de la "subvention", de l'argent public, de l'Etat-Providence.

Et c'est là où se referme le piège de l'Etat-Providence. Même si l'activité est privée, le fait qu'elle soit exécutée en présence d'argent public donne le droit à l'Etat de soupçonner n'importe quel délit de droit social, de droit fiscal, de droit commercial, en fait d'un droit de quelque secteur que ce soit. Et avec l'extension incroyable des lois et réglements sur l'ensemble de la vie économique et sociale, du fait de la pollution de l'argent public, l'ensemble de la vie économique et sociale est actuellement menacée par l'Etat.

C'est l'expérience que la "TPE" de François Fillon est en train de faire. L'étrangeté, c'est que l'Etat, tartuffe de l'impartialité, n'est pas intervenu directement, mais par la fiction de l'indépendance des magistrats. C'est ce que clame la gauche dans l'affaire Fillon. Or, l'affaire est entre les mains du Parquet National Financier qui n'a aucune indépendance parce que l'ensemble de ses magistrats, non content d'être nommés par le gouvernement, lui en rapportent directement. Cette partialité du Parquet français - et c'est encore pire pour les Parquets spéciaux comme le Parquet National Financier - est régulièrement contestée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme ....

Par ailleurs, selon plusieurs sources d'informations, le Parquet National Financier, créé par Madame Taubira en 2014, soutien du candidat Macron en 2017, et tous ses magistrats ont été nommés par elle.

Voilà le piège de l'Etat-Providence refermé sur Fillon. Et du coup, on est en route vers une élection présidentielle démocratique et pluraliste ... sans aucun "candidat de droite".

Et le plus comique de l'histoire, c'est que dans six mois ou dans dix ans, le tribunal saisi statuera - en toute indépendance - qu'il n'y aucun délit ... Mais, que diable, l'Etat a bien le droit de savoir ce que l'on fait de son argent, de son bel argent !