L'affaire Fillon - Début mars 2017

Philippe Brindet - 07.03.2017

Un résumé de l'affaire

Nous ne savons pas grand chose.

En pleine campagne, le journal Le Canard Enchaîné, détenu par des amis du Président Hollande, a publié une enquête venimeuse portant à la connaissance du public que le député François Filon a employé sa femme Pénélope comme assistante parlementaire sur une très longue durée. Les salaires versés sont, sur cette longue période, très importantes, ce qui permet au Canard de faire croire au public qu'il s'agit d'un détournement de fonds publics puisque la paye des assistants parlementaires provient d'une dotation de l'Assemblée Nationale.

Le Canard exhume avec ses alliés une ancienne entrevue accordée par Mme Fillon affirmant qu'elle n'a jamais travailé pour son mari et qu'elle n'a aucune intention de le faire.

Quelques jours plus tard, avec un célérité remarquable, le Parquet National Financier, créé par Mme Taubira, soutien du candidat socialiste Macron, et animé par des créatures à elle, lance une enquête préliminaire qui aboutit à la constitution d'une instruction, puis sur l'annonce de la convocation du candidat Fillon à deux jours de la date de fermeture de la campagne des parrainages, pour recevoir la signification de sa mise en examen.

Absolument abasourdis par cette affaire, Fillon et ses soutiens mettent plusieurs jours à réagir "raisonnablement". Après plusieurs déclarations catastrophées et catastrophiques, la réponse de Fillon est de protester de sa bonne foi, que l'emploi de Mme Fillon n'était pas un emploi fictif et qu'il n'y a eu aucun détournement d'argent public. Fillon met en cause l'indépendance de l'action judiciaire, ce qui excite la gauche qui n'attendait que cela.

L'étendue des dégats

Le grand problème de l'affaire Fillon est celui de la calomnie. "Calomniez, il en restera toujours quelque chose" est un adage bien connu de la politique. Or, ce "truc" éhonté de la calomnie est à la base de toute menée politicienne. Toute personne entrant en politique devrait avoir les moyens de résister à une telle menée. Une seule solution : être irréprochable .... Or, on peut l'être de deux manières non exclusives.

La première manière d'être "irréprochable", c'est de n'avoir rien à se reprocher. Fillon le pensait et le pense encore. La présomption d'innocence lui bénéficie malgré les menées de ses adversaires politiques. Il n'y a pas grand chose de plus à ajouter.

La seconde manière d'être "irréprochable", c'est d'avoir les moyens que personne ne puisse rien vous reprocher. Et là Fillon semble particulièrement pris au dépourvu. En politique, il faut avoir les moyens - et que vos adversaires le sachent - de causer plus de dommages si votre adversaire vous attaque que s'il ne vous attaque pas. Si Hollande ou Macron sont à la "manoeuvre", Fillon aurait du posséder une affaire de réplique contre eux, de sorte que ces deux agresseurs aient à réfléchir avant de lancer les journalistes sur les chevilles de Fillon. Manifestement, il ne dispose d'aucune organisation capable de répliquer au Canard Enchaîné. Pire, l'ensemble de la presse a emboîté le pas au calomniateur.

A la décharge de Fillon, il faut reconnaître que la perfidie de l'agression est absolument sans exemple. Elle est même suicidaire pour ceux qui l'ont lancé par exemple si la justice débouche sur un non lieu. Mais, on sait que Hollande n'a rien à perdre et que c'est sa nature depuis toujours. On rappelle que, en 2012, il y a déjà eu l'incroyable affaire Strauss-Kahn, déjà une référence dans l'abjection des manoeuvres politiciennes.

Un autre problème est celui du choc entre l'opinion publique acquise à l'idée qu'ils - les hommes politiques - sont "tous pourris" et la posture de chevalier blanc que Fillon avait prise dès la primaire de La Droite et du Centre.

A la limite, les électeurs de droite étaient prêts à enregistrer la bonne foi de leur candidat qui osait alors contester la légitimité de ses adversaires au prétexte qu'ils étaient des cibles de soupçons ou de condamnations judiciaires, allant jusqu'à se gausser d''eux en se disant incapable d'imaginer le Général de Gaulle mis en examen ... Ce n'était pas très malin, puisque il n'a pas fallu deux mois pour que les juges l'entendent et mettent le "chevalier blanc" en examen ...

De plus, dès le début de la crise, Fillon a admis que sa candidature deviendrait illégitime dès l'instant où il serait mis en examen. La chose est décidée par la Justice deux semaines plus tard. Ce n'est pas de la bonne foi de Fillon qu'il faut douter, c'est de son bon sens ! ... Tout cela a causé des dégats parmi l'ensemble des électeurs, dégats que beaucoup ont estimé irréparables. Et un nombre important - plus de trois cent selon le décompte ravi du journal Libération - de politiciens soutiens de Fillon l'auraient abandonné en quelques jours. Qunt aux militants fillonistes, si certains sont sûrs de lui, d'autres ont été cruellement déçus.

Les dégats sont donc immenses. Il n'est pas sûr que la classe politique s'en relève et Fillon lui-même se trouve devant une situation extrême. Il ne lui reste plus qu'à être élu président ou à disparaître de la scène politique sous les injures.

La réplique de Fillon

Malgré son désarroi clairement visible, Fillon a fini par comprendre que le but de l'action du Canard Enchaîné n'était pas de "laver plus blanc que le chevalier blanc". C'était d'éliminer de la présidentielle 2017 un adversaire de droite. Or, Fillon devait imaginer qu'il n'y avait qu'un seul candidat de droite et qu'il avait donné des gages depuis des années pour prouver qu'il n'avait rien à voir avec ce candidat. Il lui semblait évident que cela le mettait à l'abri des agressions de la gauche. Ce candidat de droite est une femme : Marine Le Pen.

Or, Mme Le Pen subit exactement la même agression que Fillon : elle est menacée depuis quelques jours d'une mise en examen pour des emplois présumés "fictifs" - quoique la qualification soit un peu différente - au détriment du Parlement européen. Et on assiste à cette chose incroyable que, dans un pays démocratique dans lequel l'électorat de droite est légèrement majoritaire, l'élection présidentielle pourrait se dérouler sans aucun candidat de droite.

Ce malheur commun oblige Fillon à abandonner sa posture de "centre-droite" qui refuse d'avoir à faire avec la "droite", ce que ses "alliés" centristes ont parfaitement compris en le trahissant - Bayrou est chez Macron, Le Maire et Lagarde ont tenté et peuvent encore tenter une démarche concurrente.

Or, Mme Le Pen a fait savoir qu'elle n'a aucune intention de laisser la "justice" entraver son accession à la présidence. Elle se rendra à la convocation des juges plus tard. Et elle néantise l'accusation portée contre elle.

Sa réaction est-elle judiciairement efficace ? Nous l'ignorons. Mais elle est politiquement vigoureuse. En effet, devant son refus, les juges n'ont pas d'autre choix que de lancer un car de police à six heures du matin pour mettre en prison une candidate forte de plus de 25% des électeurs à la présidentielle ou d'attendre après la présidentielle qu'elle ait perdu.

Il se pourrait que cette position virile ait éclairé le timide Fillon. A ses électeurs, lors d'une manifestation suffisament achalandée pour l'assurer d'un réel soutien populaire, il a tenu le même discours. Allons de l'avant et laissons les traîtres mordre la poussière du chemin. Quant aux juges, qu'ils fassent leur travail. Fillon est sûr de son bon droit.

La position de Alain Juppé

Battu de manière blessante à la primaire de La Droite et du Centre, Alain Juppé faisait un "service minimum" dans la campagne de Fillon. Mais, saisis par le vertige devant ce qu'ils considéraient comme un cataclysme inévitable, les "poids lourds" du parti de Fillon ont eu un "réflexe de survie" : éliminer Fillon et lui trouver d'urgence un remplaçant. Et ils ont naturellement pensé à Juppé. La trahison la plus simple, la plus naturelle possible ....

Malheureusement pour eux - leur angoise de mort va croître - Juppé déclare solennellement qu'il ne sera pas candidat. Sa déclaration télévisée est disponible en transcription et en vidéo sur son blog : http://www.al1jup.com/ma-declaration-a-bordeaux-le-6-mars-2017/

Tout d'abord, il "massacre" en quelques mots la candidature de Fillon, pour le passé, mais aussi pour l'avenir. Comme quoi, les allusions vaseuses du candidat Fillon contre des candidats à la primaire qui auraient quelque chose à se reprocher, ne sont pas "oubliées" par Juppé. Il n'a pas tort ...même s'il n'en a pas raison.

Il dit ensuite trois choses essentielles :

  1. la France est profondément fichue. Tout y est pourri : élite et peuple ;
  2. quelque chose d'irréparable vient de se produire avec l'agression contre Fillon : Juppé dit : Je ne veux pas livrer mon honneur et la paix de ma famille en pâture aux démolisseurs de réputation." ; et enfin
  3. il faut attendre une nouvelle classe politique et le peuple doit se refaire parmi les jeunes.
Beaucoup de Français partagent profondément ces vues pessimistes. D'autant plus pessimistes que même l'appel à la jeunesse et au renouveau est un pari sur le futur. Mais quelqu'un a dit que "le pessimise absolu en politique est absolument une sottise ...".

Quelques éléments pour la présidentielle

Tout d'abord, l'idée que l'affaire Fillon est une forgerie de l'Etat socialiste, absolument honni par une majorité confortable d'électeurs, devrait renforcer le vote pour l'un des deux principaus candidats de la droite française : Marine Le Pen et François Fillon. Les trahisons et défectiions de politiciens ne devraient qu'accroître le capital de sympathie pour Filllon.

De ce point de vue, le retournement négatif de l'opinion sondagière ne devrait pas être surestimé. L'idée que la Justice puisse soupçonner des actes d'un candidat suffit à susciter une réaction négative dans l'environnement d'un sondage à l'encontre de ce candidat. Ceci explique les mauvais résultats de Fillon et les moins bons résultats de Le Pen.. Mais, dans l'isoloir, cette idée de la Justice s'estompe et il ne reste plus que son bandeau d'aveugle dans la mémoire de l'électeur.

Paradoxalement, les persécutions injustes - injustes parce qu'elles sont déclenchées par la probabilité de leur victoire - contre les candidats de droite pourraient pousser vers eux le vote d'abstentionistes de droite ou d'électeurs qui se décomptent à gauche dans les sondages, mais qui ont été "ébouillantés" par le quinquennat catastrophique du gauchiste Hollande.

Fillon et Le Pen, pour surmonter leurs handicaps, doivent prouver deux choses à l'électorat complet et pas seulement aux membres de leurs partis :

  1. que Macron est responsable de la catastrophe hollandiste qu'il cherche à perpétuer pour protéger Hollande ;
  2. que l'un ou l'autre des deux prétendants de droite ont effectivement un programme de droite, ce qui est actuellement douteux chez l'un et chez l'autre.
S'ils n'atteignent pas cet objectif, l'un des deux - le plus probablement Fillon - sera éliminé au premier tour par Macron et ce dernier l'emportera au second tour. Comme la classe dirigeante l'a programmé avec l'aide des média et de la justice indépendante..


Revue THOMAS (c) 2017