Présidentielles - Un aperçu du paysage politique

Philippe Brindet - 19 avril 2017

Les commentateurs se rallient à une impression : il n'y a aucun favori, mais quatre candidats dont les chances de passer dans les deux premiers élus du premier tour sont sensiblement égales. Il s'agit en ordre décroissant de Macron, Le Pen, Fillon et Mélanchon.

Une remarque parfois faite par des commentateurs comme Dominique Reynié : où sont passés les électeurs de droite ?

En effet, si on calcule les intentions de vote déclarés par les quatre candidats précités, on peut estimer que, sur les 23 % d'électeurs de Mme Le Pen, 15% sont des électeurs de droite. M. Fillon ne peut compter que sur des électeurs de droite, soit 18,5% d'intentions de vote.

Malgré ses efforts pour apparaître "au-delà" des partis, Macron est résolument un rassembleur d'intentions de votes de gauche et Mélanchon ne revendique pas vraiment d'électeur de droite.

On découvre ainsi que parmi les 24 + 23 +18,5 + 18 = 83,5 pourcents de votants pour le quatuor de tête, on ne trouve donc que 33,5% d'électeurs de droite.

Bien sûr, il existe encore les 4 % d'intentions de vote pour M. Dupont-Aigan. Mais, on n'arrive de toutes façons qu'à 37,5% d'électeurs de droite. Malgré leurs sympathies, MM Asselineau et Cheminade ne représentent pas vraiment d'électeurs de droite - ni même de gauche. MM. Hamon et Poutou et Mme Arthaud n'ont que des électeurs de gauche.

Mais où sont donc passées les intentions de vote de droite ?

Pour "retrouver" des voix de droite "perdues", une critique consiste à contester que 8% d'intentions de vote de gauche se porteraient - comme je le pense - sur la candidature de Mme Le Pen. Pourtant ce vote est connu. Ce que l'on sait par ailleurs de précédents sondages, c'est que les sondages sous-estiment toujours le vote FN. On a dit que cela venait de ce que, au contact du sondeur, le sondé n'ose pas facilement affirmer son choix d'extrême-droite vilipendée par les media. Qu'un tiers des électeurs de Mme Le Pen soient de gauche ne paraît pas du tout improbable puisque les électeurs de gauche sont encore plus sensibles à l'ostracisme qui frappe encore le FN.

Une autre remarque vient des récents événements. M. Fillon a subi un coup d'arrêt redoutable - très probablement fomenté par le clan hollandiste - avec la fabrication d'un soupçon d'emploi fictif de sa femme.

Son score de 18,5% d'intentions de vote pourrait bien avoir été extrêmement minoré par les sondeurs, parce que les sondés auraient 'honte" de révéler une sympathie électorale devant un sondeur pour un homme mis en examen ou à tout le moins sopçonné publiquement de délits financiers. De combien ce sentiment a t'il été minoré ?

On remarque que si Fillon obtient en réalité 25% des intentions de votes, il est en tête au premier tour. Son "gain" d'électeurs de droite est de 6,5%.

Si on ajoute ce "gain" au taux d'électeurs de droite précédemment calculé de 33,5%, on obtient 33,5 + 6,5% soit 40%.

On remarque que ce "gain" est très probable et Mme Le Pen pourrait bénéficier d'un gain semblable, peut être pas de même ampleur.

Il en résulte que l'idée que le duo Le Pen - Fillon soit en réalité en tête au premier tour n'est pas aussi improbable que les sondages le laissent croire.

On fera aussi la remarque que Macron a bénéficié du soutien massif de deux classes politiques honnies de la majorité des électeurs français : la classe médiatique et la classe des grands bourgeois. Ces classes sont soutenues par les cadres supérieurs et les hauts fonctionnaires dont on sait qu'ils sont sur-représentés dans les sondages. On peut donc estimer que les intentions de vote de Macron sont surestimées de 1 à 3 %.

Il existe enfin une incertitude importante sur les réelles intentions de vote Mélanchon et Hamon. Mélanchon a fait une montée dans les intentions de vote absolument étonnante. Que cette montée soit parvenue exactement à la hauteur des intentions de vote Fillon montre que sa dynamique est énorme. Nous ignorons vraiment sa puissance à convaincre l'électeur indécis dans l'isoloir qu'il est l'homme d'un nouvel élan. Il est classé quatrième aujourd'hui. Sera t'il premier le jour venu ? C'est loin d'être improbable.

Enfin, le très faible score sondagier de Hamon peut faire présumer un effet de honte chez le sondé qui voudrait désigner Hamon. Nous ignorons absolument l'étendue de ce mouvement. Il laisse seulement penser que le score de M. Hamon pourrait être quelque peu supérieur aux 8% qui lui restent aujourd'hui dans les sondages. Cela n'en fait pas un candidat de second tour.

Mais toujours est-il que si nous sommes incapables de faire une prévision fiable du premier tour, actuellement, le peuple de droite correspoond à une gamme allant de 33 à 43% des intentions de vote. Il en résulte que le "peuple de gauche" représente de 67 à 57 %.

Cette estimation montre que, malgré la faillite absolue de la gauche, avec Hollande, la proportion de gauche en France s'est fortement accrue depuis les dernières élections.

Si on fait l'hypothèse d'un président "de droite" - Fillon ou Le Pen - de quel parlement bénéficiera t'il avec une gauche majoritaire .

Nous estimons que le problème le plus grave se poserait à François Fillon. Mme Le Pen a des thèmes résolument socialistes de sorte qu'elle s'arrangerait probablement d'un parlement de gauche. Elle pourrait rejouer le "coup" de Trump désavoué sur ses rodomontades contre "l'immigration" et époustouflant les progressistes sur la Russie, la Syrie et la Corée du Nord ... Il est probable aussi qu'elle jouera "le peuple" référendaire contre le parlement des élites. Voire ...

Quant à Fillon, il lui resterait à faire une inflexion à gauche sans paraître se déjuger. Plusieurs de ses mesures n'auraient d'ailleurs pas forcément besoin de l'aval d'un parlement..

Nous ignorons de plus en plus le futur. Mais, il est en France de plus en plus étatiste, de plus en plus socialiste et de plus en plus autoritaire. L'"Europe" est à ce prix.