Campagne présidentielle 2017 - Entre deux tours

Philippe Brindet - 28 avril 2017

Ainsi qu'on le sait les deux "grands" partis qui ont gouvernés la France depuis 40 ans ont vus leurs candidats éliminés. Ceci a ét ébien vu par tout le monde. Mais, on n'a pas noté que si Hamon a été fortement sanctionné (6% des voix) Fillon a échoué de peu (20 % des voix).

En contrepartie, on peut estimer à moins de un tiers des électeurs ceux qui tiennent aux valeurs conservatrices. Il suffir d'additionner les voix de Fillon et de Dupont-Aignan, en étant conscient du fait qu'un certain nombre d'électeurs de Fillon ont été en fait des progressistes comme Juppé ou Le Maire, battus à la primaire rocambolesque de Les Républicains. Cela conduit à admettre que près de deux tiers des électeurs sont en réalité attirés par les mythes progressistes.

Macron a su parfaitement saisir cette tendance majoritaire et, écartant les typologies de droite ou de gauche, il s'est résolument lancé dans un verbiage progressiste, noyant dans le flou les mesures technocratiques qu'il comptait prendre ou ... ne pas prendre.

En effet, résolument et explicitement aligné sur les positions américaines, Macron ne peut que soumettre la France aux diktats de Bruxelles, c'est-à-dire de l'Allemagne. De ce fait, ce que l'on qualifie de flou dans son programme, est parfaitement déterminé. Il s'agit essentiellement d'appliquer les mesures décidées par Juncker et Draghi, sous l'instigation de Merkel, le tout tentant servilement de deviner les intentions des américains.

Si l'on revient à la défaite de la droite, on fera plusieurs remarques.

  1. Tout d'abord, la "défaite" de la droite filloniste, je veux dire de la droite représentée par la candidature Fillon, ne peut pas être une "défaite". Cette défaite a déjà eu lieu en 2012 lorsque François Hollande, après le "massacre" de Strauss-Kahn qui n'a toujours pas été tiré au clair, a éliminé Sarkozy du pouvoir. Fillon, premier ministre de Sarkozy, a été incapable de remonter le gouffre dans lequel l'impéritie du vibrillonant "petit Nicolas" l'a plongé pour longtemps.

  2. A ce propos, certains commentateurs comme Zemmour font entendre une explication qui n'est pas sans mérite. La plongée du parti filloniste proviendrait de son incapacité à rallier le centrisme qu'il fédère à des motions spécifiquement de "droite". Il est contraint de faire l'inverse : se rallier aux motions progressistes des centristes qu'il veut électoralement "agglomérer" pour remporter les élections. De ce fait, son électorat ne partage aucune de ses "valeurs".

  3. Or, Macron se trouvant dans la position politique symétrique de Fillon, à savoir celle du socialisme - est-il démocrate ou libéral, la question est ici sans intérêt - peut se tourner vers les centristes en leur agitant les "valeurs" de gauche, ce qu'il appelle avec effronterie le "progressisme", et il les attire avec une telle force que les ex-fillonsites" de tendance "centriste" -le premier d'entre eux étant d'ailleurs Fillon lui-même - se sont rués dans une surenchère d'adhésion à ... Macron quelques minutes après l'évocation du résultat du premier tour. En plus de l'écoeurement des visées personnelles des politiciens se ralliant en un clin d'oeil à leur "adversaire" de l'instant d'avant, les électeurs perçoivent la faiblesse des convictions politiques des gens pour lesquels on les avait prié de voter. Ce n'est pas bon.

  4. Ce n'est pas bon pour les prochaines élections. Et particulièrement pour les législatives au cours desquelles tant les socialistes que les "républicains" comptaient se "refaire", voulant faire éprouver à l'"évident" vainqueur de la présidentielle les difficultés d'une cohabitation souvent perçue comme inévitable ... Les espoirs de nombreux politiciens bien établis risquent d'être fortement contrariés. Et peut être même avant les législatives ...

  5. En effet, il faut rappeler à certains politiciens sans aveu que la présidentielle n'est pas jouée. Mme Le Pen - dont le nom seul soulève le coeur des honnêtes gens, comme ce petit "théologien" de l'Institut catholique de Paris qui vilipende les évêques soupçonnés de complaisance à l'égard de la dame - peut très bien emporter les élections. En effet, elle se trouve sensiblement dans la position électorale de Donald Trump il y a quelques mois. De plus, certaines particularités de la statistique électorale conduisent certains spécialistes comme Serge Galam à prédire une possible victoire de la dame honnie et vilipendée - fort heureusement pour elle - par le système médiatico-politique.

Passons au duel Macron - Le Pen.

  1. Les programmes des deux candidats sont assez fumeux. Leur confrontation est donc largement illusoire sauf sur quelques points éloignés qui concernent les véritables préoccupations des français. Ainsi, plusieurs commentateurs estiment que le partage entre les deux candidats se fait sur le débat entre souverainisme et mondialisme, le souverainisme étant - sous une forme nationaliste - promue par Mme Le Pen, tandis que au nom du "patriotisme" - probablement une lointaine évocation des excès de la Révolution française - M. Macron compte poursuivre la conversion du plus vieil Etat occidental au mondialisme sous sa forme européiste.

  2. Mais même cette ligne de front reste en définitive assez vague. Si l'on observe la position de Mme Le Pen, il y a quelques mois nous étions nombreux à avoir compris qu'elle voulait dénoncer les traités européens et en sortir. Aujourd'hui, il est question d'une négociation avec l'"Europe" pour proposer ensuite une politique de sortie soumise à l'approbation référendaire des français. Autant dire que la sortie de l'Etat français du marigot de Bruxelles est reportée aux calendes .... grecques.

  3. Sur la même ligne de front, M. Macron qui n'envisage pas un seul instant la sortie de l'Europe, envisage au contraire la négociation avec Bruxelles d'un "picaresque" ministre de l'économie européenne. Là encore, l'Etat français est en négociation avec l'Etat européen de plus en plus fédéral. L'opposition la plus nette entre Le Pen et Macron n'est donc pas si claire que cela ...

  4. En fait, la plus grande différence entre Le Pen et Macron vient des rodomontades de l'une et de l'autre. Mme Le Pen monte sur ses grands chevaux lorqu'elle souhaite aborder la question de l'immigration, ou celle de l'identité "française", pendant que M. Macron devient lyrique en évoquant les" valeurs" de la démocratie et de la société "ouverte", sans culture, sans liens, sans qualité, mais si confortable pour la petite bourgeoisie décérébrée. On sait que Mme Le Pen sera bien obligée de faire avec les dix millions d'immigrés plus ou moins francisés, ou européanisés, et plus encore, avec les deux cent mille nouveaux arrivants annuels ... De même, M. Macron continuera de discourir sur la liberté citoyenne en signant des lois qui l'enferme ...

  5. Pour conclure, Mme Le Pen n'a toujours pas révélé comment elle gouvernera un pays dont aujourd'hui les deux tiers de la population ont envie de vomir quand on prononce son nom. M. Macron qui se drape dans les draps blancs de la personnalité politique nouvelle, n'a pas dit comment évitera t'il de nommer Manuel Valls comme premier ministre et François Hollande comme ministre des affaires étrangères ...

Le plus probable est la continuité dans l'Histoire récente : la décadence de la société française, victime de sa vanité. Le moins improbable, c'est que la moitié des français qui prétendaient avoir envie de vomir au seul nom de Mme Le Pen auront finalement ... voté pour elle !


Revue THOMAS 2017