Campagne présidentielle 2017 - Entre deux tours (5)

Philippe Brindet - 04.05.2017

1 - Le débat télévisé présidentiel

Il opposait hier soir Mme Le Pen au vainqueur du premier Tour, M. Macron. La première a fait du Le Pen et le second a fait du ... Hollande. Mme Le Pen était pourtant certaine de présenter un programme électoral alors qu'elle se contentait essentiellement de s'opposer au programme de son concurrent. M. Macron, jurant qu'il n'avait rien à voir avec son probable prédecesseur, répétait en boucle les mesures du même genre que celles funestes qu'il imposait comme "conseiller", puis comme ministre, au catastrophique président sorti.

Il fallait comprendre que Mme Le Pen avait comme projet de faire le contraire de ce que son concurrent promettait tandis que M. Macron voulait dire qu'il allait enfin pouvoir mettre en pratique ce que Hollande n'avait pas compris. Autant dire que la nullité d'un tel débat n'augure rien de bon pour le prochain mandat présidentiel.

Les deux candidats se sont gravement écharpés pour savoir si la déchéance de nationalité était ou non de nature à empêcher un islamiste de se faire sauter en pleine rue. La question juridique d'une déchéance posthume est absolument passionnante. Mais je ne suis pas sûr que les chômeurs présents et futurs soient particulièrement enthousiastes à ce débat.

2 - Qu'est-ce que le président de la république ?

Cette question ne semble pas avoir effleurée le moindre analyste de la présente campagne. Ce n'est pas grave. Le problème, c'est qu'elle n'a pas plus effleurée les candidats. Tout le monde est dans la logique de l'homme - ou de la femme - providentiel qui va résoudre tous "nos" problèmes. Il fera beau le matin et tout le monde pourra aller au travail en sifflotant gaiement ...

Le malheur, c'est que le président de la république ne peut pas être un homme providentiel. Il se trouve à la convergence de trois pouvoirs qu'il n'a pas le droit d'exercer : le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Il en est un arbitre, un coordinateur, qui les fait oeuvrer harmonieusement, selon une harmonie décidée par un texte juridique essentiel : la Constitution.

Je ne vois pas que l'organisation des voyages prochains des fichés "S" de nationalité étrangère fasse partie de ses préoccupations. Pas plus que celle de savoir si le temps de travail des boulangers doit être décidé au niveau de la boulangère ou de la branche professionnelle. Pourtant le débat d'hier soir a essentiellement tourné autour de ces questions et de sujets du même genre. Une régression infantile.

La présidence de la république n'est pas une fonction providentielle. C'est une fonction essentielle pour la démocratie. Se tromper de fonction est donc une menace grave portée à la démocratie. Et l'agitation des deux candidats, après le vibrionisme de Sarkozy et l'illusionisme de Hollande ne permet pas de prévoir une amélioration de la pratique démocratique en France.

Ainsi, la tâche la plus urgente du président est définie dans le début de la Constitution. Le président de la République veille au respect de la souveraineté nationale. Depuis M. Mitterrand, on a vu les différents présidents trahir cette mission en abandonnant la souveraineté nationale par morceaux à des institutions étrangères, non démocratiques de surcroît. A ce sujet, M. Macron semble décider à poursuivre résolument dans cette voie, tandis que Mme Le Pen semble tenir à une restauration de cette souveraineté devenue bien affaiblie.

Pour cette seule raison - et il y en a d'autres - M. Macron ne peut recevoir notre accord. Mais, la position de Mme Le Pen pose un autre problème. Son activisme forcé donne l'impression que c'est plutôt la souveraineté du Président de la République qu'elle envisage que celle de la France, donc de son peuple, comme c'est le coeur même de la démocratie. De ce fait, Mme Le Pen n'emporte pas plus notre accord.

Je sais bien que Mme Le Pen compte utiliser la voie référendaire pour en référer au peuple. L'ennui, c'est que dans l'exemple sur le retour à la monnaie nationale, elle discute elle-même de cette question avec ses "partenaires" européens - le mot fait bizarre - et c'est seulement après qu'elle demande au peuple s'il est d'accord avec le résultat de la négociation. Ce n'est plus un référendum, mais un plébiscite.

Or, le retour éventuel à une monnaie nationale devra se traduire par une loi de la République. Et la formation de la loi n'est pas la prérogative du Président de la République, mais exclusivement celle du Parlement. Du Parlement absolument absent du débat présidentiel.

Pire encore, Mme Le Pen a vaguement esquissé la question du Premier ministre, donc du gouvernement en nommant un candidat battu du premier tour au poste honorifique de "possible premier ministre". Elle s'est arrêtée en chemin.

M. Macron a fait encore pire. Non seulement il laisse les prétendants à ce poste prestigieux se bousculer devant les média, mais en plus il méprise si complètement le Parlement qu'il a annoncé que seuls auront le droit de se présenter les députés qui auront signé une sorte d'acte de soumission à sa personne. Bien sûr, il ne l'a pas dit comme cela. Mais, je le mets au défi de prouver qu'il a réellement dit le contraire !

M. Macron a donc retrouvé la voie du Parlement "godillots" qui fit les "beaux jours du gaullisme aujourd'hui paré de toutes les vertus ... Cela mène à l'incurie législative. Pour Mme Le Pen, la question du Parlement ne se pose pas. Sait-elle seulement qu'il en existe un dans nos institutions ?

De fait, la plupart des points débattus dans cette campagne prétendue "présidentielle" ont en effet été des points législatifs qui devraient se discuter aussi bien pour lélection des députés, que lors des contacts entre les citoyens et ces mêmes députés. Je sais bien que le gouvernement peut aussi présenter des projets de lois. Mais, il s'agit alors de lois de circonstances et la Constitution n'est pas très claire à ce sujet. N'enbrouillons pas donc le débat sur les élections présidentielles.

Il manque un véritable sens de la fonction présidentielle et, de ce fait, notamment le débat sur la souveraineté, essentiel aussi bien pour juger la politique européiste de Macron qu ela politique nationaliste de Mme Le Pen est bien mal engagé.

Quant à la myriade de mesurettes que les deux candidats agitent comme le moyen de sauver la situation ... je préfère ne as en parler.


Revue THOMAS 2017