Campagne présidentielle 2017 - Entre deux tours (6)

Philippe Brindet - 06.06.2017

Demain, ce sera "fait".

Quoi ? L'élection du président de la République.

Un archi - favori, Macron. Des articles incroyables de flagornerie, de fanatisme. Jusque dans la presse américaine. Ce matin, le New York Yimes portait dans sa Une Internet pas moins de seize articles concernant la "gloire de Macron". Et quatre ou cinq sur la "Honte de Le Pen". Avec une telle impartialité de la presse, on sait clairement pourquoi la démocratie est bien entendu le seul régime possible.

Fonctionnant en cercle vicieux avec la presse, les sondages, d'ailleurs produits par des spécialistes littéralement consanguins avec la presse, donnent Macron avec une écrasante majoritéde près de 2 électeurs sur 3.

Fonctionnant en cercle vicieux avec la presse et les sondeurs - ils se marient souvent entre eux - les politiciens professionnels se sont quasiment tous ralliés, perdants ou affidés, à Macron. Le plus indécent de tous fut François Fillon qui déclara soutenir son "rival" dix minutes seulement après l'annonce de résultats provisoires, le total des résultats non encore disponibles laissant pourtant une probabililé non nulle de victoire.

Deuxième élue, Mme Le Pen s'est alors lancée dans une caricature d'elle-même, à l'aide de laquelle elle a réussi à reconnaître implicitement la victoire de son adversaire.

Malheureusement pour les prévisionistes, il est très clair qu'une victoire-surprise de Mme Le Pen est possible. L'exaspération des milieux populaires est palpable et une bonne partie d'entre eux sont attirés par elle. Le reste est farouchement attaché à Mélanchon [1 ], le révolutionnaire qui se statufie en héros d'un socialisme dur, non marxiste - et encore ...

Quel effet d'une victoire "macronique"

Ce qui est clair, c'est qu'une victoire de Macron va lancer ces masses populaires dans une surenchère destinée à contester son pouvoir qu'il entend manifestement exercer de manière discrétionnaire. Sans parti, sans majorité, sans allié. Seul. Il est déjà dans la posture d'exiger des députés qu'ils signent un serment de fidélité à sa personne ...

Il est donc prévisible que seuls les politiciens qui auront le moyen de manipuler la colère populaire parviendront à infléchir Macron. Sera-ce au prix de grèves, de manifestations monstres, ou alors d'émeutes, ou bien même, "Sire", de révolution ? Nul ne le sait vraiment. Mais, plusieurs politiciens et commentateurs, comme le mélanchoniste François Ruffin [1 ], l'écrivent déjà.

Très clairement, la "révolution" fut-elle ridicule si elle se contente de manif', tragique si elle exploite les émeutes, cette "révolution" se servira à la fois des "troupes" de Mélanchon et des "électeurs" de Le Pen. Ces derniers feront de très bons émeutiers. D'abord parce que, lorsqu'on n'a plus rien à perdre, c'est une "profession" pas si difficile à exercer. Mais, contrairement au camp Mélanchon, le camp Le Pen ne semble pas disposer de "troupes" disponibles pour des émeutes. Il lui faudra du temps et un changement de culture pour en disposer. Peut être à l'aide des agriculteurs et des artisans ?

Quel effet d'une victoire "lepeniste" ?

Contrairement aux "nouvelles" propagées par la presse manipulatrice aux ordres du "macronisme", la victoire de Mme Le Pen n'est pas du tout impossible. Elle dispose de trois atouts :

  1. la colère des abstentionistes contre le hollandisme, colère provoquée par leur conviction de l'identité du projet de Macron avec la politique menée par Hollande ;
  2. l'adhésion "cachée" d'électeurs de Mélanchon, en nombre bien supérieur à ce que les sondeurs ont bien voulu nous prévenir, au programme de Mme Le Pen - beaucoup ne voteront pas contre "Macron" en s'abstenant, mais voteront essentiellement pour le programme étatiste et populiste de Mme Le Pen ;
  3. le vote sanction de ses électeurs contre la "trahison" de Fillon [3 ], sanction qui les portera non pas à l'abstention, encore moins au vote Macron, mais au vote Le Pen.

Quel sera l'effet d'une telle victoire ?

La masse de manoeuvre des mouvements sociaux, qu'ils soient de forme "manifs" ou de forme "émeutes", va perdre - si tout se passe "bien" - les électeurs de Mme Le Pen au pouvoir. Par contre, si les électeurs de Macron vont rejoindre la forme "manifs", seuls les électeurs de Mélanchon, et seulement les plus radicalisés d'entre eux, rejoindraient la forme "émeutes".

Maintenant, les troupes de Mélanchon sont essentiellement constituées par des étudiants, par de jeunes employés et par de vieux gauchistes, attendris par le souvenir de leurs vieilles luttes souvent imaginaires. C'est très bon pour des manifs, moins pour des grèves dures, et quasiment nul pour une émeute. Par contre Mélanchon dispose de deux autres populations disponibles :

  1. les crypto-gauchistes que l'on trouve actuellement cantonnés en des opérations à la campagne comme à Notre-Dame-des-Landes et encapuchonnés en queue (ou en tête) de manifs bourgeoises ;
  2. les musulmans français, probablement déçus par Hollande, exaspérés contre Sarkozy ou la "droite", et prêts à tout pour supprimer Le Pen dont le deuxième but politique est de contrer leur ascension culturelle dans la société française qui revendique actuellement le multiculturalisme à la seule condition qu'il favorise l'islam.

Il résulte de cette analyse succincte que les risques de blocage ou même d'explosion de la société française paraissent accrus dans le cas d'une victoire Le Pen.

Après le fiasco, le chaos

Ce que l'on peut envisager après le fiasco du régime Hollande qui a suivi le fiasco Sarkozy, c'est un chaos tout simplement quelque soit l'un ou l'autre des deux choix possibles. Et ce chaos ne proviendrait pas seulement des mesures que le prochain président prendra, mais tout simplement parce que la société française est maintenant divisée en factions qui se haïssent. Le consensus national nous paraît détruit pour longtemps.

Le 5 mai, Mme Le Pen a - bizarrement, j'en conviens - cru électoralement utile de se faire filmer par la presse en train de se promener - le nez en l'air comme une vulgaire touriste en goguette - dans les allées de la cathédrale de Reims. N'ayons pas la cruauté de gloser sur le fait. Mais, la chose intéressante fut qu'elle était attendue à la sortie par une meute de gens qui se revendiquaient de Mélanchon, et certains - la presse y tenait - de Macron. Or ces gens étaient si menaçants que Mme Le Pen dut attendre un moment favorable pour être extraite plus ou moins clandestinement sous la protection d'une escouade d'agents de sécurité.

Les journalistes se sont extasiés de la scène, imaginant que de la diffuser en boucle allait inciter à voter Macron. Rien n'est plus incertain.

Mais, que des manifestants deviennent assez menaçants pour obliger à des mesures de sécurité physique montre assez qu'il ne s'agissait plus de pacifiques manifestants, mais tout simplement d'émeutiers faisant planer une menace de mort sur Mme Le Pen. Rien n'est plus détestable et le traitement par la presse a été irresponsable de même que l'absence de réaction de la justice et de la police.

D'ailleurs, cela poussera éventuellement Mme Le Pen à s'entourer d'une sorte de garde rapprochée suffisamment sérieuse pour représenter une réelle menace contre de tels émeutiers. Et l'escalade sera lancée. Et elle aura été provoquée à la fois par le camp Macron et par la presse qui lui appartient dans sa quasi totalité.

M. Macron pourrait, s'il emporte l'élection, subir le même sort. Il ne l'a pourtant pas subi puisque, le même jour, il faisait exactement la même visite que celle de Mme Le Pen, mais à la cathédrale de Rodez. Et pour écarter toute entorse possible au "principe de laïcité", les journalistes n'ont diffusé que son air satisfait devant le portail de la cathédrale [4] et sont passés immédiatement à une séquence où il fraternisait avec des consommateurs du bistrot d'en face ...

Beaucoup d'électeurs de Macron, qui se seront ralliés à lui le jour de l'élection, imaginent de cette différence de traitement, soulignée "habilement" par la presse, que Le Pen nous assure du chaos que l'on voit à Reims, tandis que Macron nous assurerait de la rigolade de Rodez. Ils se trompent profondément, aussi bien parce que les mélanchonistes sont exaspérés contre Macron que parce que les frontistes ne le laisseront pas survivre.

Quant à Mme Le Pen, elle semble tenir à traiter les problèmes de société au moyen de la police. Une police qui représente environ 160.000 personnels et qui pourrait croître rapidement. Par ailleurs, elle leur a promis des moyens sans commune mesure avec ceux dont ils disposent actuellement. A la différence, Macron va essayer de faire des économies sur le budget de l'Etat et préfèrera faire - comme Hollande - des cadeaux gratuits à ses électeurs et donc à ses ennemis les plus acharnés.

Lequel des deux résisterait le mieux au chaos ? Auquel des deux la Police prêtera t'elle le mieux son concours ? Je ne sais. Mais, le chaos vient.

Le chaos macronien

Macron est soutenu par la quasi totalité de la presse, de la culture, les politiciens professionnels. Il est sutout soutenu par l'immense majorité des classes dirigeantes qu'elles soient inféodées au secteur public, comme la Fonction Publique, ou qu'elles possèdent le secteur privé, banques, commerce, services et industrie.

Or, il est totalement démuni d'appareil politique. Il va donc être obligé d'utiliser celui des "autres", socialistes et "républicains". Quelques mélanchonistes et quelques écologistes, pourtant terriblement frustrés par sa campagne. Aussi, il devra payer très cher leur participation à son régime. Et cette dette qu'il devra acquitter accroîtra d'autant le chaos qui vient. Cette composante du chaos lui donnera sûrement son côté vraiment "macronien".

Voilà sur le plan intérieur.

Mais, sur le plan extérieur, Macron n'est pas dans une situation meilleure. Bien sûr, il a fait savoir qu'il avait reçu le soutien d'Obama - à la retraite - et de Merkel - qui pourrait sombrer aux prochaines élections. Mais, comme Fillon d'ailleurs, il a fait allégeance au Nouvel Ordre mondial, celui des capitalistes éhontés qui, comme Warren Buffet ou Georges Soros, peuvent dire qu'il n'y a plus de lutte des classes, parce que la bourgeoisie a triomphé. Et cette bougeoisie sans patrie, supranationale qui a placé de fait Macron au pouvoir en France - le peuple étant sommé d'entériner ce choix le 7 mai, - a des intentions absolument meurtrières à l'égard de ce même peuple [5].

Voilà sur le plan mondial.

Le vote Macron est donc bien un vote pour l'instauration du chaos qui vient.

Le chaos lepéniste

Sur le plan intérieur, Mme Le Pen est encore plus dépourvue que Macron d'appareil politique au sens "professionnel" du terme. Les législatives avec elle restent profondément ignorantes. Pour les "informer", il faut faire un acte de foi : que le peuple qui l'aurait porté à l'Elysée, porta la majorité qui va bien au Palais-Bourbon. Que ce soit par la trahison, - Mélanchon acceptant de se présenter sur une liste Front National, qui le croira - ou par on ne sait quelle rationalité politique d'une aussi grande "sagesse".

Sur le plan international, la première épreuve rencontrée sera indéniablement l'Europe. L'étrange dans l'affaire, c'est que Mme Le Pen n'a pas semblé ouvrir de relations positive avec qui que ce soit au Royaume-Uni. Elle semble - alors même qu'elle vit au Parlement européen - particulièrement pauvre en relations avec d'autres Etats européens. La Hongrie peut-être ? Nous l'ignorons. Si elle en a, le secret a été bien gardé. Se hisserait-elle à la hauteur d'un Mazarin ...

Après avoir fait croire à un clash avec les institutions européennes, elle a déclaré vouloir négocier. Quoi ? Ce n'est pas clair. Comment ? C'est encore moins connu. Et l'Europe tient la cognée, par exemple pour la question monétaire ou encore la politique agricole et les importations ... Un beau chaos en perspective !

La deuxième épreuve rencontrée devrait concerner la Russie, donc les Etats-Unis et le Moyen-Orient. Mais, à ce sujet, lors des premiers jours de la présidence Trump, la presse progressiste tremblait de colère à l'idée que Trump allait baiser sur la bouche Wladimir Poutine - dont c'est loin d'être le genre ... Résultat, Trump a précipité 72 missiles de croisière sur deux hangars d'aviation abritant des bombardiers de fabrication russe et appartenant à un des plus chers alliés de Poutine.

On ne sait donc pas de quel chaos ressortira cette deuxième épreuve. Mais, on ne peut douter là d'un chaos de plus.

Il faudra arrêter de réfléchir ...

... très prochainement. Toute la question est de savoir si c'est dès maintenant ou seulement après la proclamation des résultats.

Nous avons trois choix :

  1. voter Macron pour rêvasser dans l'opium d'un chaos mondialiste ;
  2. voter Le Pen pour cauchemarder un chaos nationaliste ;
  3. s'abstenir pour laisser les autres entre rêve et cauchemard et vivre réellement.
Pas fameux comme situation électorale ...

Notes

[1] Le mélanchoniste François Ruffin commence une Tribune dans Le Monde du 5 mai par ces mots :

Monsieur Macron, je regarde votre débat, ce soir, devant ma télé, avec Marine Le Pen qui vous attaque bille en tête, vous, « le candidat de la mondialisation, de l’ubérisation, de la précarité, de la brutalité sociale, de la guerre de tous contre tous », et vous hochez la tête avec un sourire. Ça vous glisse dessus. Je vais tenter de faire mieux.
Il montre là une opinion largement répandue parmi les troupes du mélanchonisme. Retour au texte

[2] Dans la Tribune de Ruffin déjà cité, cet auteur prévient brutalement Macron :

Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Je vous le martèle parce que, avec votre cour, avec votre campagne, avec la bourgeoisie qui vous entoure, vous êtes frappé de surdité sociale. Vous n’entendez pas le grondement ..
Et Ruffin termine sa Tribune par :
Vous portez en vous la guerre sociale comme la nuée porte l’orage. A bon entendeur.
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[3] Dans cet article, on comprend que, localement, les partisans de Fillon ont détesté l'attitude de leur candidat au soit du premier tour. Il a littéralement piétiné leur confiance alors même que, empêtré dans une affaire judiciaire, il l'avait sollicité. Fillon a, d'ailleurs, montré une animosité à l'encontre de Macron qui dépassait la bienséance politique pour sombrer dans le marais politicien. Son vote Macron pourrait en détourner beaucoup de l'imiter : http://www.medias-presse.info/fronde-contre-le-vote-macron-au-sein-des-republicains/72956/
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[4 ] Manifestement, il n'est pas entré dans la cathédrale, ou alors, la pudeur a empêché les caméras d'y tourner. Etrange non ? http://video-streaming.orange.fr/actu-politique/presidentielle-emmanuel-macron-en-visite-a-rodez-CNT000000HJpvZ.html Retour au texte

[5 ] Cette opinion est très bien soutenue par l'excellent Roland Hureaux dans un article POURQUOI LA CANDIDATURE MACRON A UN GOÛT DE MORT.
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