Vers le macronisme

Philippe Brndet - 12.05.2017

Dans Le Figaro, le sentiment général des observateurs politiques est assez bien résumé par deux articles.

Dans le premier, Ivan Rioufol estime que «L'élection de Macron est une farce démocratique». En effet, en rajeunissant la façade et en criant à la menace fasciste, la gauche éreintée a réussi l'exploit de se maintenir au pouvoir.

Dans le second, Éric Zemmour décrit «Le fiasco intégral de Marine Le Pen» et estime que "au cours de cette campagne présidentielle, Marine Le Pen a changé en plomb tout l'or qu'elle touchait."

La synthèse de Macron se révèle en ce qu'il se dit parfois de gauche, parfois ni de droite ni de gauche. Il se dit en réalité "progressiste". Son affirmation que la dialectique droite - gauche est historiquement dépassée. Ne s'agit-il pas là de la reprise d'une posture inventée aux Etats-Unis et qui caractérise ceux qu'on appelle joliment les "néo-cons", ce qui en français dit beaucoup plus qu'en anglais ...

Mais, tout comme l'activisme de Sarkozy ou la social-démocratie "soupçonnée" de libéralisme de Hollande, la posture de Macron est essentiellement une pirouette qui esquive les stériles querelles idéologiques. Une sorte de "judo" politicien, qui utilise l'emportement de l'adversaire pour le faire tomber. De ce point de vue, le macronisme rejoint dans la galerie des forgeries politiques, le hollandisme et le sarkozysme de ses deux prédecesseurs.

Pour revenir aux opinions de Rioufols et de Zemmour, ce que Rioufols désigne par "farce" pour probablement souligner le manque de raison, de sérieux de l'initiative Macron, est une simple manipulation de la démocratie élective. Utilisant des slogans vides de réalité politique, mais pleins de sous-entendus agglomérant d'individus incapables de sens critique, la technique macronienne de prise du pouvoir est claire et très peu originale. Il s'agit d'agglutiner des adhésions irréfléchies et donc bien plus résistantes au débat que celles qui sont rationnelles, d'agglutiner donc des électeurs pour parvenir au pouvoir.

Quand ses adversaires s'épuisaient à poser de "graves" problèmes politiques et sociaux, qu'ils sentaient bien partagés par une majorité susceptibles de les élire, Macron se servait de l'évocation de ces problèmes pour y apporter des solutions vides que chacun pouvait interpréter à son goût.

Lors d'un débat télévisé, l'un des candidats malchanceux - mais ils ne le savaient pas encore - lui répliqua qu'il avait parlé dix minutes et qu'on était incapable de redire une seule chose qu'il avait dite. Seulement, Macron les avait dites sur un ton particulier, et en agitant un vocabulaire qui, repris ad nauseam par la presse à sa solde, éveillait des croyances individuelles chez ses partisans qui leur suffisaient.

A l'inverse, les longues explications, les mesures détaillées de ses adversaires donnaient l'impression d'une pesante leçon d'économie ou de droit des sociétés, convenable dans une faculté, mais incompréhensible pour des citoyens dont la majorité est incapable de lire en continu un article de presse de 2.000 signes.

Pour résister à cette inadaptation de leur "public", les candidats malheureux se lançaient dans des envolées lyriques en reprenant ce qui enflamment d'habitude leurs sympathisants. Mais comme la presse ne relayaient pas leurs slogans et leurs éléments de langage, les autres - je veux dire, les électeurs d'autres "partis" - ne retenaient aucune impression favorable.

Macron a montré que pour emporter les élections modernes il faut avoir l'exclusive de la presse écrite et radiotélévisée qui permet de saturer le temps d'éveil des électeurs avec la propagande favorable. La France ayant une presse largement entre les mains des grands capitalistes d'une part, et de la gauche progressiste, d'autre part, la fameuse mutation envisagée du ni droite - ni gauche maintient en réalité la gauche au pouvoir alliée au grand capital des Arnaud, Pinault, Bergé et autres. De quoi rassurer la gauche "bobo" des beaux quartiers et des riches banlieues, salariée des établissements de commerce et de finance.

Pour les autres, c'est plus embêtant. Mais, ils ne se rendront pas compte de grand chose. Abrutis par les media, par la peur du chômage et des agressions de toutes sortes, ils sont déçus par l'effondrement des dynamiques Le Pen et Mélanchon. La première a vraiment mué en vil plomb l'or vif qu'elle tenait dans ses mains et le second a sombré parce que ses partisans, même les plus fanfarons, se sont d'un seul coup rappelés que Macron, c'était après tout une soupe pas si mauvaise, qu'ils avaient déjà trouvé succulente avec Hollande.

C'était le soir du second tour. Maintenant, les gens commencent déjà à déchanter.

Bayrou, lisant la liste des députés désignés par Macron, découvre qu'il a été joué. Il ne décolère pas. Voilà où l'esprit florentin conduit quand on ne prend pas quelques précautiions.

Pire, certains gens de gauche découvrent que l'entourage de Macron ets essentiellement populé de hauts fonctionnaires qu'il a cotoyé pendant sa vie passée. Du vulgaire copinage. Il n'y a d'ailleurs aucune raison de se gêner. De plus, Macron ne peut guère faire autrement. Il est tenu en laisse par les groupes d'intérêt qui l'on poussé à la conquête de l'Elysée. Et tous ces gens ont depuis longtemps investi dans les villas cossues des apparatchiks de l'Etat. Il faut bien que cela rapporte aussi ...

Et encore dernièrement, il y a quelques heures, certains esprits s'échauffent en découvrant que Macron a passé sa campagne à faire les lois qu'il va imposer aux français. Beaucoup se demandaient avec quelle assemblée il pourrait les établir sous sa présidence. Certains au PS d'autres au part filloniste, d'autres chez Mélanchon ou chez Le Pen, ricanaient sournoisement en disant qu'il faudrait bien en passer par eux.

Eh bien, Macron a installé une structure législative qui embauche de pauvres types crevant de faim, attirés par le traitement confortable de député. Ils signent un véritable contrat de travail dans lequel ils endossent une clause de non - concurrence - ils ne peuvent aller dans un autre parti - et prêtent un serment de fidélité à la personne du Président ... Cà ne rappelle rien à personne ...

Sauf que, dans ces conditions, sans aucune base électorale, ces pauvres gens qui vont aller aux élections législatives sans aucune expérience, devront se battre à mort pour survivre. Ils bénéficieront de la machine électorale de Macron contituée de la quasi totalité de la presse écrite et radio-télévisée et de nombreuses ONG et autres clubs généreusement financés par les grands capitalistes qui ont déjà obtenu l'élection de Macron. La plupart de ces pauvres gens seront à un moment ou un autre éliminés par des purges.

Le capital-socialisme est un régime féroce.

Une fois élus, ces députés auront intérêt à bien se conduire puisque Macron a annoncé qu'il en rejetterait environ la moitié puisqu'il réduit le nombre de parlementaires de presque cette proportion.

Macron aura ainsi la main sur la haute administration, sur la finance et sur les assemblées. Toutes dociles à appliquer les motions de ces mandants de la haute finance et du grand capital. Comme au bon vieux temps ...

Un régime dictatorial.

... Non, vous n'y êtes pas ! La République, dans la meilleure démocratie, terre des droits de l'homme et du citoyen ...