L'assemblée macroniste

Philippe Brindet - 12.06.2017

Le positionnement politique de Macron - le pauvre homme n'y est pour rien - s'est trouvé vainqueur à cause de la lâcheté politique des quarante dernières années. Un fort joueur d'échecs a vu le positionnement défaillant de pièces majeures de l'échiquier. Il a soufflé le coup à Macron et à son gang. Ils ont gagné.

D'une manière certaine, nous payons aujourd'hui l'incroyable frivolité des héritiers du gaullisme : Giscard et Chirac, frivolité qui a conduit au cynisme absolu de Mitterrand. Depuis, la classe politique, pour autant qu'elle subsiste en tant que "politique" ou en tant que "classe", s'est de plus en plus enfoncée dans une insondable médiocrité, coincée entre la technicité de l'économie réelle et celle de l'administration politique, d'une part, et l'absence résolue de toute motivation politique au nom du réalisme, d'autre part. La classe politique considère, malgré les rodomontades fréquentes du contraire, qu'elle oriente ses actions selon le vent des sondages des uns et des diktats des vainqueurs, tous étrangers, de l'autre. Chirac, Sarkozy, Hollande, et maintenant Macron ont été et sont dans la main de la haute fonction publique nationale et dans celle du pouvoir politico-financier étranger, dont les sièges sont à New York et Washington, Bruxelles et Berlin. Ils n'ont aucune idée politique et leur compétence économique est des plus faibles, sauf la prédation des indigènes que leur laisse ces puissances mondialistes.

Sans remonter aux ancêtres, il suffit d'estimer les deux quinquennats précédents.

La plupart des électeurs de Sarkozy en 2007 étaient persuadés qu'ils étaient de droite. Sarkozy fit de grands moulinets de "droite" par exemple avec le "Karcher" de la sécurité. Mais, sa haute fonction publique faisait une politique profondément gauchiste. Et c'était si proche des voeux du président que Sarkozy travailla avec des gens de gauche comme Guéant, Hirsch, Juppé ou Kouchner. Le résultat - et la crise de 2008 eut "bon dos" - fut un endettement colossal de l'Etat français, une augmentation énorme du chômage et de la précarité et une braderie complète des biens nationaux comme l'industrie ou l'agriculture.

La plupart des électeurs de Hollande en 2012 étaient persuadés qu'ils étaient de gauche. Hollande fit de grands moulinets de "gauche" avec la picaresque affaire du "mariage pour tous". Et comme sa haute fonction publique était de gauche, elle poursuivie sa politique profondément gauchiste. Hollande n'avait pas de voeux politiques particuliers. Il avait voulu le pouvoir, il l'avait et s'en délectait entre favorites et courtisans, promenant sa rotondité quinquagénaire dans les postures les plus cocasses à l'étranger comme en France. 'Ach', la revue des troupes allemandes avec la chancelière !!! ... et le discours à l'île de Ré sous les seaux de pluie !!!! Faisant pire que Sarkozy, il suscita chez ses électeurs, ce que ses courtisans appelèrent une fronde. Alors qu'il était parvenu à éliminer ses adversaires dans la course à la présidence - qui se souvient encore de Strauss-Kahn ? - Hollande fut incapable de neutraliser ses "frondeurs".

Ces derniers ne l'emportèrent pourtant pas en paradis ...

Un groupe d'hommes d'affaires engagés dans les media identifia un jeune politicien prometteur, Emmanuel Macron, conseiller incompétent de Hollande, puis ministre de l'Economie où il se comporta en puissance occupante. Les bourgeois fabriquèrent alors le futur président comme une marque de confiserie, fabriquant des sondages, publiant des articles sur papier glacé et des reportages de manière à construire l'image de présidentiable d'un brave garçon féru de faire l'acteur depuis qu'il était tout petit. Ils auraient pu le lancer avec le Parti socialiste. Hollande, malgré sa calamiteuse présidence, semble avoir refusé de s'écarter. Plus grave, Hollande semblait conserver le contrôle du Parti Socialiste. Macron ne pouvait donc utiliser le véhicule de ce parti pour rouler avec l'argent public jusqu'à la porte de l'Elysée.

Pour lancer Macron, il fallut renoncer au débat gauche contre droite, puisque la gauche était aux mains de Hollande qui ne voulait pas la lâcher. Il faut reconnaître que les ruines produites par le sarkozysme avaient largement été aggravées par le hollandisme. Un débat droite contre gauche semblait perdu d'avance, même avec une droite aussi calamiteuse. Mais, la vocation profonde de Macron, ancien Ministre de l'Economie de Hollande, ancien conseiller de Hollande, est de poursuivre l'oeuvre de Hollande - en plus rapide. Ce mandat comporte la déconstruction de la politique française, déconstruction qui doit être achevée aux profits convergents de Washington et de Berlin.

L'idée géniale - un peu du genre de celle de l'oeuf de Christophe Collomb - fut de reprendre un slogan d'extrême-gauche : faire de la politique autrement. Cela n'a aucun sens. C'était le positionnement du groupuscule ATTAC et c'est, sous certaines conditions, extrêmement efficace.

D'autant que, en réalité, c'est une motion réllement progressiste, essentiellement anti-conservatrice qui anime le macronisme.

Il se fonde sur quelques idées maitresses parmi lesquelles se trouvent :

  1. la soumission par l'européisme ;
  2. la soumission par l'atlantisme ;
  3. la soumission par la destruction des richesses tangibles des français ;
  4. la soumission par la fiscalité.
Avec la victoire de Macron, la France est une République battue.

Plusieurs politiciens ont noté que la deuxième campagne contre la France battue par Macron, a consisté à mépriser le Parlement en le vidant de ses prérogratives pour le transformer en chambre d'enregistrement de l'action gouvernementale. Le premier tour des Législatives, avec la majorité absolue offerte à Macron, et avec sa kyrielle de "braves gens", commerçants et mères de famille, d'une incompétence politique affirmée comme une vertu, garantit que l'Assemblée Nationale ne sera pas une grande gêne pour les prédations envisagées par l'équipe de Macron.

Le moyen de faire autrement ?

Certains s'insurgent contre ce genre d'opinion. Ils ont bien raison. Il y a dans notre analyse à la fois du dépit, et de l'incompréhension. Nous devons l'assumer.

Il est vrai que le personnel politique constitué depuis quelques législatures ne brille pas par ses qualités. Mais, le renouvellement des députés se produisait de manière relativement "souple", de sorte que les nouveaux étaient en quelque sorte "formés" par les anciens de leur parti.

Avec le macronisme, le parti - pour autant qu'il existe - n'existe que depuis six mois et il n'a aucun député, sauf des transfuges des partis battus, essentiellement d'ailleurs des transfuges du Parti Socialiste. Les magouilles de certains de ces "anciens" leur tiennent lieu de compétence et on ne voit pas qu'ils aient une quelconque intention de "former" de nouveaux députés à autre chose qu'au détournement de fonds publics et à l'écoute intéressée des groupes de pression qui se bousculent sur leurs pas de porte.

Un ancien député qui a refusé de se représenter, a confié à une chaîne de télévision son écoeurement de passer une partie de son temps à promettre des places de crèche et autres "passe-droits" à des électeurs bien plus "mafieux" que les pires des députés. Nous avons un véritable problème de doctrine politique. Nos instituts de science politique ronronnent une infecte soupe idéologique qui recycle les pires errements de la Révolution française et des "philosophes " du XVIII° siècle avec les folies les plus insipides issues des universités américaines telles que les racontent The New York Times ou le Washington Post. Le tout paraît à nos media et à la classe politique qu'ils tiennent entre leurs pattes pour l'apogée de la civilisation et de l'intelligence quand ce sont des obscurantismes de l'ignorance et de la bêtise.

Nous avons besoin d'une classe politique animée par de véritables idées politiques, aptes à faire progresser la société française à l'aide d'une véritable politique française. Mais, encore faut-il qu'il existe encore une société française, qui ressente le besoin d'une politique française ? Le mépris dans lequel est tenu le nationalisme français, parfois la suspicion la plus honteuse, tout cela conduit à adopter de manière irresponsable des postures idéologiques vues à l'étranger et principalement chez les nations dont la prospérité - souvent fantasmée - paraît un horizon enchanté à nos politiciens lamentables, sans une once d'esprit critique, parfois même "achetés" ou "vendus" à des intérêts qui les dépassent.

Que l'on se rassure cependant. Le désespoir en politique est l'ultime sottise.


Revue THOMAS (c) 12 juin 2017