La marque de Simone Veil

Philippe Brindet - 03.07.2017

Madame Simone Veil, ancien ministre du gouvernement Chirac sous Giscard d'Estaing, ancienne Présidente du Parlement européen, est décédée dans sa 89° année.

Les media se sont livrés à une telle débauche de louanges et de flagorneries à son encontre que ses deux fils ont été contraints de rappeler que leur mère n'était pas une statue. Comprenne qui voudra.

L'honorabilité de Madame Veil n'est pour nous pas en cause. Nous ne partageons pas ses idées politiques. Elle les a fait triompher. "Vae victis" . C'est la loi de la démocratie. C'est tout. Comme l'a dit le président Macron, il y a d'un côté les gens qui réussissent et de l'autre les gens de rien. Nous connaissons notre côté.

Toujours est-il qu'elle a largement bâtie sa carrière sur trois événements : la Shoah, la loi sur l'avortement et l'Europe.

Sur la Shoah ...

... dont elle a survécu, nous nous contenterons de dire notre horreur du régime qui l'a provoqué et notre admiration pour ceux qui ont résisté en survivant et en témoignant contre les errements de ceux qui, par une aberration effrayante, veulent affaiblir ou annuler ce qui s'est passé. Quand Simone Veil tonne "Plus jamais cela", nous écoutons et nous baissons la tête.

Lors des émissions de télévision, journaux télévisés et autres manifestations publiques, une interview d'elle portant sur son expérience à Auschwitz la montre expliquant que ceux qui ont survécus étaient ceux qui étaient assez forts pour survivre. Les autres sont morts. Je ne ferai aucun commentaire.

Sur l'avortement, ...

... nous ne referons pas le débat, ni de sa loi dite de l'interruption volontaire de grossesse, ni de sa pratique en France et d'ailleurs presque partout dans le monde. Nous regardons effrayés et nous baissons la tête. Il y a pour nous deux mille ans de travail à refaire et la lassitude nous prend à cette évocation.

Ce n'est donc pas tant sur l'avortement en tant que tel que nous reviendrons, mais sur les arguments ou sur les manoeuvres qui ont permis de faire triompher cette loi terrible.

Les arguments de Mme Veil ont été nombreux pour faire triompher sa loi. Nous devons tout d'abord souligner que ces arguments n'étaient pas les siens. Ils étaient ceux d'un groupe de pression, nombreux, largement animé par les menées d'un groupe idéologique américain fondé par Margareth Sanger et sa filiale française qui a permis de la masquer alors qu'il y aurait eu beaucoup à dire sur ce mouvement qui existe encore. Il n'y a pas lieu d'y revenir.

Mais parmi ces arguments, on peut en retenir trois, ou trois catégories.
  1. Le premier argument se fonde sur l'horreur subie par les femmes contraintes d'avorter clandestinement dans des conditions sanitaires dangereuses. La légalisation de l'avortement permet d'éradiquer les avortements clandestins et donc de rendre plus sûre la vie des femmes.
  2. Le deuxième argument affirme que jusqu'à une date de gestation déterminée par la "science" (six, douze, vingt semaines, ... peu importe), le foetus est une chose qui appartient à la femme qui en dispose à sa guise. Le foetus ne prend le statut de personne humaine, à laquelle la loi doit protection qu'à partir de cette date. C'est cette date qui est retenue comme date limite pour l'IVG.
  3. Le troisième argument se fonde sur le fait que la réaction conservatrice, contre le progressisme, opprime les femmes en les tenant dans un état mineur. Décidant librement de leur corps par l'avortement, les femmes sont enfin émancipées par la loi Veil. Dans le même type d'arguments, se trouve l'argument qui divise encore les réactionnaires. Selon Mme Veil, l'IVG n'ouvrirait pas un droit à l'avortement, mais serait une solution transitoire destinée à disparaître complètement grâce aux progrès de la contraception, pricipalement chimique.

Nous ne reviendrons pas sur ces arguments pour en dire seulement toute la perversité. A l'Assemblée Nationale, le débat a été intense, mais beaucoup moins que ce que la presse en dit aujourd'hui. On peut même dire que seules quelques personnalités, comme le doyen Jean Foyer, ont osées exposer des arguments d'opposition raisonnable qui n'ont pas été entendus. La majorité des députés et des sénateurs, quelque soit leurs partis et leurs idéologies, ont voté largement pour la loi sur l'avortement après un débat somme toute bref.

Dans la société civile, le débat a été intense, mais en général stupide. Particulièrement, les religieux, en France principalement les ecclésiastiques catholiques, ont parfois poussé des cris effrayés. Ils n'ont rien dit de sensé, ni fait de susceptible de résister au mouvement progressiste. D'ailleurs, l'Eglise hiérarchique s'est parfois contentée de rappeler "la loi de l'Eglise", entendant par là que la chose ne l'intéressait pluas. D'ailleurs, venait de se conclure le Concile Vatican II, au cours duquel la hiérarchie ecclésiastique s'était donnée beaucoup de mal pour convaincre de son adhésion définitive au progressisme et, de fait, personne dans l'Eglise hiérarchique n'a tenté la moindre action ayant une chance de réussir politiquement contre l'entreprise de Mme Veil.

La victoire de Mme Veil n'est donc pas si formidable qu'on veut bien le dire aujourd'hui. Elle n'a pas rencontrée une opposition aussi farouche que ses laudateurs veulent bien le dire. Cette victoire est cependant historique pour la constitution des femmes en tant que classe sociale indépendante. La victoire de Mme Veil marque assurément la deuxième étape majeure, après la loi sur la contraception, de Neuwirth, dans la marche de la France vers le progressisme socialiste dans lequel elle est maintenant parvenue de manière irréversible sans révolution.

Sur le Parlement européen

Le choix de Mme Veil comme Président du Parlement européen semble ne pas avoir résulté d'une action particulière de sa part. Il n'y aurait donc pas lieu de lui en faire un quelconque crédit. Mais, une telle interprétation s'effondre quand on visionne une très courte séquence télévisée, diffusée plusieurs fois à l'occasion de la disparition de Mme Veil. Après que l'épisode de la vie de Mme Veil à Auschwitz ait été rappelé, la séquence commence par l'affichage d'une séquence de moins de quinze secondes où l'on aperçoit, derrière un grillage, une foule d'une dizaine de prisonniersn dont un jeune homme d'une vingtaine d'années particulièrement maigre. Selon les journalistes, il s'agirait de prisonniers musulmans se trouvant dans un camp en Bosnie près de Srbrenica en 1995.

L'image destinée à se graver dans l'imagination des téléspectateurs vient se dédoubler sur celle des camps nazis. Sans transition, on montre Mme Veil dans les années 1995, entourée de personnalités à une table devant des caméras et qui, avec une force impressionnante, déclare que l'Europe ne laissera pas faire cela.

La vérité force à dire que l'Europe, non seulement a laissé faire cela, mais que, dans une mesure notable, marquée notamment par la récente condamnation des Pays-Bas par la Cour de Justice européenne. En effet, l'armée néerlandaise était présente à Srbrenica, sur l'ordre de l'Europe, et elle en est responsable.

Mais, le symbole est là, incessament répété depuis quarante ans. La progression de l'européisme découle de l'analyse de personnalités comme Mme Veil, mais aussi Churchill, Adenauer et de Gaulle, qui s'"unirent" pour que "cela", sous une forme ou sous une autre, ne revienne jamais.

Aujourd'hui encore, les européistes utilisent cette détestable exploitation des crimes historiques et sont prêts à exterminer par tous moyens leurs critiques à ce sujet.

Et à cause de celà, l'Europe qui est à Bruxelles, se fonde sur un mensonge qui ruine à tout jamais son succès. L'action politique de Mme Veil a largement contribué à imposer ce mensonge en vérité incontestable.

En conclusion ...

... on peut s'entendre sur le fait que Mme Veil fut une personnalité politique de premier plan, tant au sein de la société française que de l'Etat français et de l'Etat européen. Son intelligence et sa puissance extraordinaires furent au service d'une cause que nous ne partageons pas. Celle du progressisme mortel qui détruit nos sociétés occidentales. Et comme le dit Jean d'Ormesson avec l'autorité de son grand âge :

«Simone Veil était au-dessus de la médiocrité et de la méchanceté du monde»


Revue THOMAS (c) 2017