Summorum Pontificum. Réflexions sur dix ans d'activités

Philippe Brindet - 07.07.2017

C'est aujourd'hui le dixième anniversaire du Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI aujourd'hui devenu retraité.

Une réforme dont personne ne parle

On peut penser que le pape Benoît XVI a commis trois actes majeurs qui ont conduit à ce que un groupe de cardinaux obtienne sa résignation et son remplacement par le cardinal Bergoglio. Parmi ces actes, la publication du Motu Proprio Summorum Pontificum a probablement compté. Ce Motu Proprio, ou Décret du Pontife instaurait le droit pour les fidèles d'obtenir la célébration selon le rite tridentin antérieur à la réforme liturgique de Paul VI et aux prêtres de pouvoir célébrer certaines messes dans ce rite ancien sans avoir à en référer à l'évêque. L'ancien rite est dénommé "forme extraordinaire du rite romain" et le rite de Paul VI est dénommé "forme ordinaire du rite romain", les deux formes étant tenues comme appartenant à un seul et même rite.

Son application

L'application de la forme extraordinaire du rite romain dépendait, malgré les permissions accordées par Benoît XVI, de la bonne volonté des évêques diocésains. Cette application donc a été importante en France, en Italie et aux Etats-Unis. Nous avons peu d'informations sur les activités dans les autres pays.

En France, on peut estimer que l'application bienveillante ne se rencontre pratiquement que dans l'archidiocèse de Paris. Les autres archidiocèses et diocèses se répartissent entre

  1. une application admise sans aucun enthousiasme. On a attendu qu'au moins un prêtre s'engage pour célébrer une telle messe ;
  2. une application arrachée de force ou toujours refusée, ce qui indique qu'au moins un ecclésiastique de haut rang bloque la réforme de Benoît XVI.

Il existe donc quelques lieux où la forme extraordinaire est uniquement pratiquée, parce que le responsable diocésain souhaite circonscrire l'"épidémie" traditionaliste et en protéger ses fidèles autant que possible. Mais, il se peut aussi que, dans certains lieux, une communauté traditionaliste avait déjà occupée les lieux. Sinon, le plus souvent, le lieu de culte est partagé avec une communauté en forme ordinaire, le curé tentant de conserver le contrôle de la stuation. Parfois de manière amicale, parfois de manière polémique.

Pourquoi cette réforme ?

En rédigeant son Motu Proprio, l'un des souhaits de Benoît XVI était de permettre que les deux formes du rite romain infusent l'une dans l'autre. Les adversaires - pratiquement tous les ecclésiastiques de la forme ordinaire - du Motu Proprio n'y ont vu qu'un défi entre des communautés adverses. Que la meilleure subsiste ....

En fait, les deux formes du rite qui, sur le papier se ressemblent beaucoup, sont en réalité trop éloignées l'une de l'autre tant sur le point de vue théologique que sur celui de l'esthétique liturgique. L'infusion de l'une dans l'autre, envisagée par Benoît XVI, devait permettre d'écarter les approximations souvent scandaleuses actuellement en oeuvre dans la forme ordinaire et à insinuer dans les communautés de forme extraordinaire le sens que l'enseignement libéral du Concile Vatican II n'est pas si éloigné de ce que la forme extraordinaire dit de la théologie catholique.

Dès le départ, les traditionalistes se sont emmurés dans la forme extraordinaire et, sauf le respect dû au responsable du lieu de culte dans lequel ils célèbrent "leur" forme extraordinaire, ils constituent une bande à part qui ne se mélange pas avec la "communauté de forme ordinaire" qui elle-même les regardent avec mépris. Symétriquement, les concilaires qui célèbrent depuis le temps du Concile Vatican II selon la forme ordinaire, avaient compris et dénoncés le fait que les traditionalistes ne se mélangeraient pas aux concilaires et que, de ce fait, le Motu Proprio de Benoît XVI était tout simplement inadmissible parce qu'il reconnaît et encourage une division dans l'Eglise Une.

Les choses ne nous paraissent pas avoir évoluées réellement. Et la réforme de Benoît XVI est, du point de vue "concilaire", un échec.

Seulement, on note que, alors que les communautés traditionalistes continuent de croître et leurs séminaires aussi, les communautés de forme ordinaire se rétrécissent, les séminaires et les couvents se ferment, et le nombre de nouveaux prêtres est constamment en réduction. A terme, il n'y aura plus de prêtres de forme ordinaire alors que les prêtres et les fidèles de forme extraordinaire croissent.

La réaction progressiste

Très conscient de cette situation, le pape François a produit au moins deux semonces contre cet état de fait.

Dans la première semonce, il a interdit purement et simplement la pratique de la forme extraordinaire. C'est arrivé dans l'Ordre des Franciscains de l'Immaculée et la raison de l'interdiction a justement été que certains membres de l'Ordre se plaignaient que la pratique de la forme extraordinaire permettait de masquer un rejet du Concile et de l'autorité du pape. Depuis, l'Ordre a été épuré et ses vestiges se livrent à des activités conformes aux moeurs de la dernière papauté.

Dans la seconde semonce, le pape s'est tourné vers la Fraternité lefebvriste qui ne se déclare pourtant pas liée par la forme extraordinaire, mais directement par le rite tridentin d'origine. Mais alors que le pape maniait la carotte d'avantages canoniques pour la Fraternité, il a exigé en retour une acceptation sans condition de la validité de la forme ordinaire d'une part et de l'enseignement du Concile et de ce qui s'en est suivi d'autre part.

L'objectif des première et seconde semonces est clair : les progressistes veulent une soumission inconditionnelle au progressisme. Mais les faits sont têtus. Déjà la presse a relevé que, dans l'Eglise concilaire, plus du quart des prêtres ordonnés appartiennent à la communauté traditionaliste. Et il y a plus.

Que va t'il se passer ?

Les ecclésiastiques qui s'étaient enthousiasmés des actes de Jean-Paul II ou de Benoît XVI, constatent silencieusement que les actes du pape François sont en contradiction avec eux. Et par réaction, ils glissent vers la Tradition, faisant infuser la théologie de la forme extraordinaire dans la forme ordinaire, essentiellement en soulignant les inadmissibles dérives théologiques que cette forme ordinaire soustend et dont la perversité éclate dans les actes du clan bergoglien.

De ce point de vue, la promulgation de Summorum Pontificum est un acte prophétique de résistance au progressisme bergoglien. Si le progressisme s'estime le plus fort, il interdira la mise en oeuvre de Summorum Pontificul. Même s'il se trompe ...