Un Quatorze Juillet macronien - Quelques réflexions

Philippe Brindet - 15 juillet 2017

Le Quatorze-Juillet a été cette année la première occasion pour Macron de faire du Macron en roue libre. Deux faits sont marquants et un autre fait soupirer ... Villiers, Trump et ... pas de journaliste.

Une remarque liminaire

Cette année, il m'a semblé que l'origine de la Fête Nationale, la prise de la Bastille n'a pas été évoquée. Ni même les symboles essentiels de l'imagerie républicaine. Le macronisme voulait éviter l'opposition droite-gauche et pour cela se tourner vers l'avenir .... c'est-à-dire un passé plus récent : le centenaire de l'entrée en guerre des Etats-Unis qui débarquent un million d'hommes. Ceux-ci vont surtout introduire en France le "jazz" et le consumérisme. Mais, çà, ce n'est pas du Macron, bien entendu.

Se tourner vers l'avenir ...

... cela a été le rôle dévolu à l'invitation de Trump. Qui en plus est venu.

Pourquoi est-il venu ?

La première raison, c'est que Trump est assez isolé sur la scène internationale. Bien sûr, il a bien Justin Trudeau qui est intéressé. Mais, Trudeau est bien verrouillé par les Traités de libre-échange ... Et puis, il y a Merkel, la plus que méfiante. Poutine et Xi sont enragés contre lui. May, la Britannique est, elle aussi, "à sa pogne". L'Europe, de mieux en mieux contrôlée par l'Allemagne, n'est pas très favorable à Trump. Elle est ligotée par l'OTAN, mais ce n'est pas la même chose.

Make America great again ... Trump peut s'attribuer la victoire sur les Allemands en 1917. C'est toujours bon à prendre et çà fera enrager Merkel. Bon d'accord, Poutine sourit et n'en pense pas moins ... Décidément, la visite de Trump à Macron permet de relancer une concurrence entre Etats du "monde libre", américain si vous préférez. Dans l'esprit de Trump, cette invitation de Macron, c'est du "que le meilleur gagne", à condition que ce soit pour renforcer la puissance américaine.

Venant à Paris, Trump tient à peu près ce langage à Macron et à ses concurrents :

Mes petits amis, vous n'êtes ni bien malins, ni bien forts. Vous avez besoin de mes faveurs. Soyez sympa' et tout ira bien mieux pour vous.
Qui le croira ? Macron ?

Imaginons que Merkel décide de jouer au plus fin avec Trump. Elle peut le dédaigner en attendant son successeur démocrate. Et en attendant, elle doit se rapprocher de Moscou. Elle a déjà clandestinement commencée, et elle y est alors obligée, un peu à cause de Trump, un peu à cause d'Erdogan, beaucoup à cause de Macron avec sa concurrence en pro-américanisme. Mais, dans le même temps, elle tient Macron avec les contraintes budgétaires européistes ... Une jolie embrouille qui accroît le marasme européiste et nous fait descendre un peu plus dans les projets géopolitiques américains initiés il y a plus de vingt ans.

Pourquoi Macron l'a t'il fait venir ?

Macron sait très bien tout cela et au-dela.

Après la catastrophe Hollande en matière étrangère - aussi ... - après la gabegie du lamentable duo Sarkozy - Juppé qui l'avait précédé - Macron joue successivement Poutine, puis Trump. Il leur dit que, plutôt que de rejouer avec Merkel les vieilles partitions du marigot européiste, ils seraient mieux avisés de faire du nouveau avec Macron. Un Macron qui emmène la France entre Europe Fédérale alignée sur les Etats-Unis et Frexit avec retour au gaullisme, d'une Europe unie de l'Atlantique à l'Oural ...

Bien sûr, Macron ne fera ni l'un, ni l'autre. Mais, pour ficher un peu plus de foutoire, il peut osciller entre les deux attitudes. Une invitation à Poutine à Versailles, une invitation à Trump aux Champs-Elysées.

Sur le plan intérieur, c'est assez bien accueilli. Les vieux du PS sont encore tout groggys de leur double KO debout. Ils comptent pour du beurre. Les vieux du RPR ne sont pas KO, parce qu'en France, on ne boxe pas les vieillards. Mais, ces pauvres vieux ont égaré leur dentier et ils le cherchent encore. Pour les électeurs de Macron - il y en a tout de même quelques uns - ils oscillent entre le conservatisme effrayé par l'audace de mal parler à l'Europe de Merkel et le progressisme façon New York Time, enthousiaste de prendre en main ce brouillon de Trump pour une politique libérale contre Poutine.

Tout cela est très nul. Mais, sur un malentendu, ça peut marcher ...

Une colère de De Villiers. L'autre ...

Le De Villiers n'est pas le De Villiers visionnaire et réactionnaire que nous avions connu sous Chirac, puis à demi noyé dans le marécage soigneusement entretenu par les seconds couteaux de la politique politicienne - pas de noms ... Non. Il s'agit du frère, un vaillant et robuste militaire de carrière, devenu - tiens donc, qui l'a nommé ? - chef d'Etat-Major des Armées.

Le brave garçon s'était fait chanter depuis la campagne présidentielle une si douce chanson de maintien des crédits militaires. C'était si doux à ses oreilles de militaire, un peu comme ce tir de 155 au petit matin.... Nous avons tous de ces faiblesses ... Enfin, bon ...

Alors que De Villiers faisait répéter leur défilé à ses petits soldats, il apprend dans un article de la bonne presse que Macron en définitive .... lui sucre 850 millions de crédits !!! Il croit faire une attaque. Comme il a un cousin par alliance qui a ses entrées dans un petit journal, il commet un article d'humeur qui commence par ces mots qui consacreront sa gloire militaire : "Je ne vais pas les laisser me baiser ...".

Il faut rappeler que, depuis Sarkozy, les crédits de l'armée sont tellement réduits que les fantassins envoyés en opérations extérieures sont contraints de s'acheter eux-mêmes l'équipement de base : chaussures, lunettes de soleil, duvet, couteaux, ... Le Matériel fournit par l'Intendance est tellement mauvais qu'il est inutilisable ... Il y a un an déjà, des troupes engagées étaient obligées de protéger la portière conducteur de leurs camions blindés, avec des gilets pare-balles ... Les régiments de chars sont quasiment tous sous la naphtaline ....

La réplique de Macron a été simple et tout aussi "militaire" : "J'en ai rien à foutre ..."

Et le 14 juillet 2017 au matin, le Général De Villiers est venu avec son command-car chercher le Président de la République pour mener la revue des troupes. Pliés de rire, les journalistes Télé faisaient remarquer la déviation latérale des cous des deux personnalités embarquées. Macron, le sourire crispé, regardait à gauche, tandis que le général, au bord de l'apoplexie, regardait à droite ... C'est la Froooonce ! ...

En fait, Macron s'est lâché la veille d'une bonne colère et son Premier Ministre, Edouard Philippe, parfaitement au courant que les soldats français sont en danger de mort en opérations à cause d'un matériel défaillant, a déclaré à la tribune de l'Assemblée Nationale que le général De Villiers pouvait bien entendu démissionner. Philippe dispose en effet d'une liste de jolies énarques qui sont prêtes à promener leurs ongles peints dans les bureaux de l'Etat-Major.

Une chose ressort en matière de politique intérieure, et peut être extérieure. L'attitude de base du macronisme, c'est le mépris. Il n'y a pas grand chose de plus ...

Pas de jourmalistes ...

On peut craindre pour l'avenir de la profession en France. Les journalistes ont été tenus écartés du Président de la République. Pas de conférence de presse au cours de laquelle l'interviewé fait le concours avec les intervieweurs de la plus belle connerie .... La vie devient d'une tristesse infinie !

En fait, Macron a préféré dire ses conneries tout seul. Il a donc profité que l'Armée française était au garde-à-vous, les officiels en train de sécher sur la tribune officielle, pour balancer un discours prononcé avec l'oeil perdu dans l'Au-delà, un peu sur le ton d'un troisième vicaire à Notre-Dame en train de parler de la miséricorde du pape François ...

Les journalistes, muets de stupeur ont écouté religieusement. Manifestement, ils ont oublié de mettre le magnétophone en marche, parce qu'ils sont incapables le lendemain d'en dire deux mots ... On trouve la vidéo de 7 minutes 5 secondes sur la chaîne BFMTV sur Youtube.