Guerre en Syrie - L'affaire de Shairat

Philippe Brindet - 19 juillet 2017

Le 7 avril 2017, les USA ont lancé 60 missiles de croisière Tomahawks sur la base aérienne syrienne de Shairat au sud de Homs. Il s'agissait soi-disant d'une attaque de représailles après une attaque chimique présumée de la ville de Khan Sheiroun par des avions syriens, décollant de Shairat, et qui auraient largués des bombes au sarin contre des populations civiles le 4 avril 2017.

La Russie, avec les protestations de la Syrie et de l'Iran, s'est contentée d'émettre une vive protestation et aurait décidé de cesser de coopérer avec les américains et leurs vassaux sur l'information réciproque des vols aériens au-dessus de la Syrie.

Depuis, il n'y a pratiquement plus eu aucune animosité entre les parties en guerre. Au contraire, Poutine et Trump se sont rencontrés les 7 et 8 juillet 2017 lors du G20 de Hambourg au cours duquel ils ont eu au moins deux réunions cordiales, mais dont on ne sait trop sur quoi vont-elles aboutir..

De quoi s'agit il ?

L'attaque chimique présumée de Khan Sheikhoun.

Le 4 avril 2017, des militants syriens alliés des USA diffusent une nouvelle selon laquelle des civils auraient été gazés lors du passage d'avions de combat syriens attaquant des militants islamistes près de la ville de Khan Sheiroun.

Des organisations islamistes ont organisées des prélèvements de matières contaminées et des transferts de cadavres et de blessés qui ont été analysé ou examiné dans des hopitaux turcs. La Turquie a alors confirmé l'existence d'une agression chimique. Peu à peu, l'idée que c'était au sarin, un neurotoxique, a été diffusée dans la presse occidentale.

La fureur prude des politiciens occidentaux et de leurs médias est alors portée à son comble. On parle de massacres, de 80 morts, de nombreux blessés. Des images montrant des personnes de tous âges en état de choc, mais avec très peu de signes de malaises neurologiques. La presse occidentale met en demeure les américains de mener une vigoureuse représaille contre l'armée syrienne.

Peu à peu, les Russes protègent les Syriens qui dénient toute part à cette attaque chimique. Plusieurs alibis ont été annoncés, l'un se fondant sur une bombe explosive qui aurait frappé accidentellement un entrepôt clandestin d'armes chimiques détenues par une organisation islamiste. La presse occidentale dénonce de telles assertions qualifiées de "scandaleuses manipulations de la Vérité".

Les Russes exigent que l'ONU et les organisations internationales comme l'OAC organisent une expertise de la ville de Khan Sheiroun. En vain.

Plus tard, on apprendra qu'une organisation islamiste, financée par les Occidentaux et dont le siège serait à Londres, les Casques Blancs, ont organisés eux-mêmes la couverture médiatique de la présumée "attaque chimique". Cette organisation a l'habitude de fabriquer des "preuves vidéo", au Liban, à Malte, et dans certaines zones occupées par les islamistes en Syrie, à l'aide d'acteurs amateurs, jouant plus ou moins bien des rôles de militants islamistes ou de civils effrayés, blessés, morts ... Plusieurs de leurs montages ont été dénoncés par des organes indépendants. Mais leur réputation, manifestement défendue par les services spéciaux américains et leurs vassaux, est intacte auprès des média occidentaux qui, imperturbablement, relayent leurs nouvelles fabriquées.

L'affaire de Shairat

C'est alors que Trump décide de faire bombarder l'aéroport militaire de Shairat qu'il estime avoir été le lieu de départ des avions syriens qui auraient délivrés les bombes au sarin sur Khan Sheiroun. Pour cela, il utilise deux destroyers américains, stationnés au sud de Chypre et qui disposent chacun de 36 missiles de croisière Tomahawk.

Shairat est un aérodrome militaire essentiel pour la Syrie puisqu'il sert à bombarder la région de Palmyre, infestée d'islamistes affiliés à l'Etat Islamique. Très clairement, la base est aussi utilisée par des aéronefs russes. Selon un transfuge syrien qui travaillait sur cette base, elle pourrait accueillir 48 chasseurs-bombardiers.

Aux premières heures du 7 avril, le destroyer Ross lance une première vague de 36 Tomahawk. Puis, peu après, le destroyer USS Porter lance sa salve de 36 Tomahawk. On note que selon les experts, ces deux destroyers peuvent proter jusqu'à 90 Tomahawks.

Le Pentagone et la Maison-Blanche se lancent alors dans des communiqués de victoire annonçant 59 tirs de Tomahakks qui auraient tout atteints leurs objectifs à Shairat. Ils annoncent que la base est détruite et que 20 chasseurs-bombardiers ont été détruits (source : Daily Mail : http://www.dailymail.co.uk/news/article-4389754/First-images-damage-Assad-s-burnt-airbase.html).

Les preuves de destruction relevées par la presse occidentale sont maigres. Une photo légendée "The runway was cratered and damaged but not all of it was destroyed, these photographs appear to show" ontre une piste d'envol parsemée de débris de la taille de petits caillous, sans aucun cratère. Deux abris engazonnés, de deux alvéoles l'un, semblent apparaître dans les photos publiées.

Il semble que le soir même, la base aérienne de Shairat recevait à nouveau des avions militaires.

La Russie publie des informations selon lesquelles 9 avions de combat ont été détruit au sol et que 8 Personnes sont mortes.

Plus grave, ce ne sont pas 59 missiles qui auraient frappés la base de Sheirath, mais seulement 23.

De plusieurs sources indépendantes, il semble que l'hypothèse la plus plausible serait que :

  1. 36 missiles Tomahawks ont été piégés par la défense électronique russe ;
  2. la Russie a renoncé à utiliser ses systèmes S-300 et S-400 pour abattre des missiles ennemis.
Le Daily Mail croit savoir que, peu avant l'attaque, la Russie a été prévenue par la voie diplomatique pour lui permettre d'évacuer ses troupes de l'aéroport de Shairath. C'est assez incompréhensible, sauf à démontrer que Trump ne cherchiat pas à s'affronter à la Russie.

La presse independante a souligné que la Russie a envoyé deux nouveaux avions de guerre électronique et une frégate qu'elle a disposée en "écran" entre la flotte américaine et la Syrie, Cette frégate serait doté de systèmes anti-aériens S-500 et d'équipements de guerre électronique.

On note que, même si 23 missiles sont tombés sur Shairath, ils représentent plus de 12 tonnes d'explosifs et les dégâts qu'ils ont provoqués paraissent bien faibles, de sorte que d'autres hypothèses encore plus défavorables pour les américains, pourraient être avancés. Le tir de 59 missiles Tomahawk représentent une perte de presque 100 millions de dollars ...

Quelques réflexions géostratégiques

  1. Tout porte à croire que Trump, empêtré dans des accusations de collusion avec la Russie, a été poussé à la faute par le Pentagone. Cette opération était préparée depuis longtemps notament en positionnant sous Chypre deux destroyers équipés de missiles de croisière. La presse a "simulée" cette soumission au Pentagone en parlant de la pression exercée par ... Ivanka, sa fille ....

  2. Le non-usage de la défense aérienne russo-syrienne est aussi étrange. La chose a été, dès le 8 avril, relevée par plusieurs media occidentaux qui s'en servie pour se moquer de la rpétendue faiblesse russe. Notamment, le système S-400 vient dêtre vendu par la Russie à l'Inde et au Brésil. Plusieurs commentateurs soulignent que la Russie refuse de se confronter directement avec les USA ce qui conduirait à une escalade dont Poutine ne veut pas. D'où l'idée de ne pas tirer sur les missiles américains.

  3. Mais, cette position ne tient pas si l'on admet l'hypothèse que 36 Missiles Tomahawk auraient bien été rendus inactifs par les contre-mesures électroniques des Russes. Plusieurs engins présumés être des Tomahawks non explosés ont été diffusés par des Syriens les jours qui ont suivis le raid. On voit mal alors si les Russes ont détruit 36 Tomahawks, pourquoi auraient-ils évités de tirer leur S-300 et S-400.

  4. Même si certains faits utilisés plus haut sont faux, et que d'autres nous sont inconnus, on peut reconnaître que l'attitude de Trump à Hambourg avec Poutine est des plus étranges. L'individu est imprévisible. Mais, si on admet que le système d'attaque américain a été au moins partiellement contré par les forces russes, on comprend mieux sa ferveur pour Poutine à Hambourg.