Les bavardages macroniens - Saint Nazaire et les migrants de Libye

Philippe Brindet - 27 07 2017 + 29.07.2017 + 30.07.2017

La presse bruisse de deux bavardages macroniens :

  1. la nationalisation d'un chantier naval à Saint Nazaire ;
  2. l'installation en Libye de guichets d'accueil de migrants pour la France.

1 - L'affaire du chantier naval italien

S'il est acheté par une société italienne Fincantieri, suite à la faillite du propriétaire sud-coréen STX , le chantier naval français de Saint-Nazaire craint que, en cas de difficultés économiques en Italie, il serve de "variable d'ajustement" par des réductions d'effectifs et du carnet de commandes.

Depuis plusieurs mois, les fonctionnaires français tentent des manoeuvres infructueuses pour prendre le contrôle du chantier naval alors même que sa direction appartient aux italiens. Comme ces italiens sont teigneux, ils ne se laissent pas convaincre.

Vraisemblablement dans la négociation, l'Etat vient de faire courir le bruit qu'il pourrait nationaliser le chantier naval comme si cette menace pouvait effrayer l'Etat italien et sa société privée. Il semble que l'Etat français soit prisonnier du discours des syndicats ouvriers qui lui explique que le capitalisme n'a que faire des emplois français. Macron a donc très peur que la prise de contrôle du chantier naval STX de Saint-Nazaire par l'italien Fincantieri ne tourne au "cauchemar" social avec fermeture du chantier dans deux ans. C'est toute la crédibilité du macronisme qui s'effondrerait alors et qui serait de toute façon très menacée immédiatement par les risques élevés que les syndicats ouvriers français aient raison.

Malheureusement, il y a deux choses incontournables.

La première chose c'est que si le chantier naval STX est parti dans la nébuleuse sud-coréenne il y a cinq ans, c'est parce qu'aucun industriel français n'avait les moyens de se "payer" un chantier naval. Au vu de la constante dégradation de l'économie française en général et de son industrie en particulier, on voit mal que la situation ait changée. D'ailleurs, le fait qu'un "opérateur" français soit plus attaché qu'un "non-français" au maintien de l'emploi et de l'activité industrielle en France reste à prouver d'une part et l'Etat français a fait un choix "irrévocable" d'"attachement" à l'Europe, de sorte que la prise de contrôle par un italien ne peut pas être moins bien vue que par un français ou ... par un turc, d'autre part.

La seconde chose, c'est qu'une nationalisation n'est pas une chose aussi facile qu'on le croit. Surtout en matière industrielle. Bien sûr, l'Etat français a besoin de pouvoir produire de temps à autre une coque géante - pour un futur porte-avion peut être ? Mais, en dehors de la Marine Nationale, qui a ses propres chantiers navals, l'Etat français serait bien en peine d'assurer des débouchés à la production de STX.

D'autant que l'exercice est devenue bien plus périlleux aujourd'hui qu'il y a trente ans, parce que la puissance européiste s'est accrue considérablement. Sur le plan réglementaire s'entend. Et le coup de force industriel que représente la nationalisation d'un chantier naval fait beaucoup douter de la réalisabilité d'une telle nationalisation. Déjà que celle d'un ferblantier pour fournir l'agro-alimentaire en boites de conserve paraît impossible ...

Si l'Etat ne peut garantir un débouché commercial au chantier naval nationalisé, au moins devrait il pouvoir le doter de moyens financiers lui permettant d'attendre la pleine rentabilité. Je sais bien que le carnet de commandes agité par STX est appétissant. Mais, il est constitué d'anciennes commandes passées du temps du sud-coréen. Seront elles maintenues ? D'autres commandes pourront elles arriver à un chantier naval détenu par un Etat capable de refuser de livrer deux porte-hélicoptères achetés par la Russie ? Et les ressources financières sont au plus bas ....

Note du 29 juillet 2017

Le Ministre de l'économie Le Maire a annoncé in extremis que l'Etat français faisait jouer la clause de préemption des actions cédées par STX de sorte que le chantier naval de Saint Nazaire est nationalisé avec pour objectif principal de "défendre les intérêts stratégiques de la France". Le Maire a déclaré que cette nationalisation était temporaire et que la négociation avec Fincantieri "devait aboutir".

Un "coup" juste pour faire durer. Du bavardage improductif. Et des négociateurs peu inspirés semble t'il. Retailleau, président de la Région, avait pourtant une piste en faisant racheter les chantiers de Saint-Nazaire partiellement par un groupe de sous-traitants. Pourquoi ne pas y associer des clients et des fournisseurs, et un tour de table est potentiellement possible. Même avec Fincantieri.

Mais on note qu'en avril déjà, l'Etat français avait donné son accord et le Premier ministre de l'époque, Cazeneuve l'avait annoncé. Comme dans l'affaire des Mistral, l'Etat français trahit sa parole. Cela fait augurer d'une fragilisation supplémentaire de sa crédibilité, au moins en construction navale ...

Note du 30 juillet 2017

La presse se fait l'écho de deux nouvelles :

  1. Le ministre de l'Economie Le Maire, qui doit rencontrer deux ministres italiens dans le dossier STX, annonce qu'il compte étendre la discussion de la reprise au marché des navires militaires de surface.
  2. Dans une enquêtre d'opinion Ifop-JDD, seuls un quart des sondés français s'opposent à la nationalisation. Les avis favorables l'emportent largement au motif que "les chantiers de Saint-Nazaire sont une entreprise stratégique pour le pays et emploient de nombreux salariés". On note que ce sondage concerne bien plus une véritable nationalisation qu'une nationalisation 'temporaire". Ou alors il s'agitait d'une "souveraineté temporaire" ...

  1. Une position politique douteuse

    L'idée d'offrir aux italiens de construire en France des navires de guerre pour la Marine française est tout simplement une faute politique majeure. L'idée d'une marine de défense européenne n'a strictement aucun intérêt et l'Italie dispose largement des moyens pour construire tous les navires de guerre dont elle a besoin et même de construire ceux que l'Etat français ne peut même pas imaginer aujourd'hui pour sa Marine. Par ailleurs, Le Maire démontre ici qu'il n'a aucune solution de rechange à Fincantieri. Il essaye seulement de prévenir l'unique repreneur possible qu'il a nationalisé pour le contraindre à lui laisser le pouvoir en France et qu'il le lui rendra avec le risque accru que les STX fincantierisés seront un peu plus nationalisables si en plus ils construisent les périssoires de la Marine nationale ?

    MM. Macron et Le Maire prendraient-ils les industriels italiens pour des abrutis ?


  2. Une référence résolument anti-européenne et quasi nationaliste

    Le sondage Ifop enseigne simplement que les français sont absolument et férocement opposés à l'européisme - ici avec des italiens - et qu'au contraire la souveraineté nationale leur paraît la première préoccupation du gouvernement qu'ils ont élu. Cette souveraineté est exprimée par le fait que la construction de grands navires, le métier des STX, est une manifestation de cette souveraineté. De plus, l'autre préoccupation des sondés est que les STX emploient de nombreux salariés et leur protection est évidemment une autre manifestation essentielle de la souveraineté nationale.

    Or, malgré les gonflements de biceps de la nationalisation "temporaire", l'Etat français macronisé a entièrement renoncé à la souveraineté nationale - ce qui est un crime prévu par la Constitution ... - et il en a la meilleure conscience puisque le gouvernement précédent ne la pensait pas mieux. Et celui qui l'avait précédé et encore l'autre, de même.

    Une fois de plus, on peut identifier à la fois l'anti-européisme et la volonté de lutte contre le chômage et les mauvais emplois de la part des citoyens français. Les divers gouvernements qui se sont succédés jusqu'à Macron et y compris Macron, les ont parfaitement compris et les trahissent sans vergogne.


2 - Les guichets pour migrants

L'idée d'installer des guichets pour migrants en Libye est une idée étrange. En effet, la raison invoquée est "humanitaire". Il s'agit de ne pas laisser se noyer dans des périssoires en Méditterrannée des gens qui ne sont pas forcément éligibles au statut de réfugié en Europe. En fait que ces mêmes gens aient risqué la mort en traversant le désert libyen avant de parvenir à la cote où Macron s'installerait, provient simplement du fait que personne ne va regarder l'hécatombe dans les déserts de Libye, du Niger ou du Soudan.

Si on suit l'idée "humanitaire", il faudrait donc installer aussi des guichets d'accueil de réfugiés au Niger où l'Etat français est d'ailleurs déjà solidement implanté.

Mais, même l'idée "humanitaire" est des plus douteuses. En effet, imaginons un guichet "humanitaire" dans le port de Benghazi. Une file se forme à l'entrée du guichet : elle contient tous les pauvres migrants sauvés d'une mort "certaine" par la grandeur de Macron.. Mais quand on entre par un guichet d'un côté on en sort de l'autre. Et là, il y aura deux files : la première des refusés qui iront directement au guichet des passeurs bandits qui existent déjà dans le port de Benghazi et la seconde des réfugiés qui auront le droit de faire la queue au guichet des passeurs "humanitaires ".

Combien de réfugiés "légaux" seront ils autorisés ? 1% ? 10% ? 100% ? La réponse est inconnue.

Comment se comporteront les recalés à l'égard du guichet "humanitaire" ? Et à l'égard du guichet des "passeurs humanitaires" ?

Nous n'en savons rien.

Pire encore. Pourquoi les migrants refusés par le guichet "humanitaire" renonceraient ils à se rendre en France ou en Italie ? S'ils représentent 99% ou 90% de la masse actuelle des migrants en Méditerranée, la "solution humanitaire" de Macron n'aura aucun sens. Elle n'en a d'ailleurs aucune.

Pourquoi Macron "bavarde t'il" sur ce guichet "humanitaire ?

Il y a deux raisons me semble t'il.

Selon la première raison, Macron a un sérieux problème en politique intérieure. L'ultra-gauche est depuis quelques années en train de s'enflammer pour la cause des migrants. "No Border"n'est pas seulement le nom d'un mouvement appartenant au milliardaire Soros, C'est aussi un une tendance lourde qui traverse l'altermondialisme et les anciens trotskytes en recherche de stratégies déstabilisatrices des sociétés riches. Ainsi l'agriculteur qui joue les passeurs humanitaires à Saint Paul de Vence vient de se faire arrêter pour la septième fois sous les regards admiratifs des bourgeois.

Quoi de mieux que de le nommer "chef" du guichet "humanitaire" du port de Benghazi, lui ou son clône ?

Mais, il y a une autre raison. Il s'agit de Angela Merkel. Elle a un très gros problème avec la vague de migrants que lui a lancé Erdogan par la Grèce depuis 2015. Actuellement, les cours de justice allemande sont embouteillées pour plusieurs années par les recours déposés par les migrants rejetés du droit d'asile. Et le nombre de clandestins qui errent dans la Grande Europe est à peu près inconnu, sauf qu'on sait qu'il se chiffre par centaines de mille.

Par ailleurs, la voie libyenne est en train de saturer l'Italie. Ou bien Macron se met l'Allemagne à dos en traînant les pieds, ou bien il dégage deux cent ou trois cent mille migrants par an en les dérivant de la voie italienne vers une voie française que, de toutes façons, ils atteignent après le passage par Vintimille.

D'ailleurs, l'idée du "hot spot" - comme on dit à Bruxelles - a précédée celle du guichet "humanitaire". Simplement, les européistes traînent les pieds parce qu'ils n'en veulent pas. Pour contenter Merkel et lui donner un coup de main en vue de sa ré élection, Macron vend la voie d'immigration directe de Libye à la Gare du Nord. N'envisagerait-il pas de les dériver vers Saint-Pancrace à Londres ?

Qu'attend il en retour ? Les taxes de passages des migrants ou un portefeuille de sous-ministre de l'Economie à Bruxelles ... ou à Berlin ? Saakachvili a déjà fait le coup de la Géorgie à l'Ukraine ...

Mais tout cela n'est jamais qu'un bavardage macronien masquant son malaise devant l'ampleur des dégats d'une Histoire que les dirigeants européistes subissent en tremblant.


Revue THOMAS (c) 2017