Trois dangers qui menacent l'Occident

Philippe Brindet - 18 août 2017

Trois dangers convergents nous paraissent menacer le monde occidental et cette menace totale ne bénéficiera pas au monde non-occidental.

Le premier danger est celui de l'irréductible division de l'Occident en deux pôles : progressiste et non-progressiste.

Le deuxième danger est celui de l'impérialisme américain qui est rejeté dans le monde non-occidental et qui fait régner une loi de fer dans le monde occidental.

Le troisième danger est représenté par l'islam de la revanche.

Et ces trois dangers sont convergents en ce que le progressisme, l'impérialisme américain et l'islam coucourrent ensemble à la perte du monde occidental.
  1. La bipolarisation du monde occidental

    Cette bipolarisation est absolument totale. Elle nous paraît toucher tous les secteurs de la vie occidentale. La politique est clairement partagée sur le rapport au progressisme. Cela s'étend à la culture, dans laquelle le progressisme est pratiquement hégémonique, à l'éducation, mais aussi à la vie économique où les grandes entreprises comme Google, Apple ou Microsoft, mais aussi Amazon, EBay ou Facebook, promeuvent les objectifs progressistes. De manière de plus en plus marginale, cette division est résolument identique dans l'Eglise catholique dont la hiérarchie est essentiellement une manifestation occidentale. Elle est aujourd'hui en passe de s'effondrer sous la coupe du progressisme.

    Face au progressisme, il n'existe plus aucune force constituée et c'est là le drame de l'Occident. Il n'existe aujourd'hui qu'une minorité, idéologiquement divisée à l'infini et qui tente de résister aux menées progressistes. Mais, cette résistance est plutôt provoquée par le sentiment confus que ces menées troublent le cours de l'Histoire - le côté conservateur - que parce que le progressisme serait reconnu comme une menace pour l'Occident.

    On peut noter que le monde occidental est historiquement, au moins depuis la Révolution française, divisé entre la gauche et la droite. Dans les derniers temps, cette division se faisait relativement entre le socialisme marxiste ou jacobin d'une part et le conservatisme d'autre part. Le progressisme était largement une revendication de gauche. Or aujourd'hui, il existe à la fois des gauchistes conservateurs et des droitistes progressistes. Une illustration de cette confusion se trouve dans le mouvement dit néo-conservateur qui a été une réaction au succès du reaganisme. Les gauchistes avaient analysés qu'ils ne reprendraient pas le pouvoir après Reagan. Ils ont donc décidé d'investir le parti de droite pour le subvertir et ce dernier s'est laissé faire.

    Ce mouvement de pourrissement de la droite par les gauchistes est bien connu dans les partis de droite française, que ce soit dans le mouvement issu du gaullisme ou dans le mouvement frontiste. On a vu ces dernières années un appel - faible mais notable - d'un réveil des idées de droite noyées dans le progressisme dont Macron - ni de droite ni de gauche - a très habilement fait son idéologie. Il domine avec deux français sur trois contre lui.

    Le progressisme est en Occident politiquement minoritaire et son influence est majoritaire. C'est un signe de sa perversité. Surtout dans un régime démocratique. Adulé et rejeté, voilà pourquoi le progressisme est un danger de l'Occident.


  2. La soumission et le rejet de l'impérialisme américain

    Très clairement, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, les Etats-Unis ont mené une conquête du monde entier qui les a amené à une frontière encore infranchissable, tenue par la Russie, la Chine et, dans une moindre mesure par l'Inde. La pénétration américaine en Amérique Latine est indiscutable, même si elle est disputée dans de rares pays comme au Vénézuela. Mais cette pénétration états-uniennes reste très modérée en Asie et en Afrique.

    Ce qui est symptomatique depuis la chute de l'URSS et la conversion - souvent mal comprise - de la Chine à l'économie de marché, c'est que les antiaméricains se sont littéralement rués dans les antichambres des caciques des organisations étatsuniennes, comme les nobles émigrés se ruèrent dans celles de Buonaparte au lendemain de la Révolution française.

    Il nous semble que s'en est suivie une soumission complète de l'Occident à l'impérialisme américain, ses agents les plus actifs étant recrutés parmi les plus virulents des antiaméricains des années 60.

    Il suffit d'examiner le nombre incroyable de hauts fonctionnaires, de mandarins politiciens en France, mais aussi en Allemagne, en Grande-Bretagne ou en Suède, dont la jeunesse a été anti-américaine, dans les "ligues de vertu" trotskistes ou maoïstes, et qui sont devenus depuis des agents d'influence des pires errements étatsuniens.

    Dans le même temps, la Chine et la Russie, et probablement l'Inde, ont développé des stratégies multipolaires destinées à contrer l'impérialisme américain. La chose est claire avec Poutine qui mène une lutte à la fois intelligente et courageuse à la fois en Europe et au Proche-Orient. La chose est claire de la Chine de Xi qui repousse de toute son énergie les menées américaines en Mer de Chine et prend une position commerciale dominante même sur l'impérialisme américain.

    Ce double mouvement de soumission d'un côté occidental et de rejet d'un côté oriental est une véritable menace pour la paix dans le monde, menace qui s'exprime par une multiplicité de conflits régionaux en Europe (Kosovo, Ukraine, Géorgie), au Proche-Orient (Afghanistan, Irak, Syrie), en Afrique (Libye, Yemen). Ils menacent bien plus le monde occidental que le monde "non-occidental" à cause de la faiblesse du monde occidental affaibli par une mondialisation dont les Etats-Unis sont largement contestés par leur impérialisme justement.


  3. La revanche de l'islam

    Contrairement à ce que les progressistes répètent aux occidentaux privés de jugement, ce ne sont pas les actuels attentats qui constituent la vraie menace. Dans les années 70, l'Europe a connu le brigandage d'organisations terroristes comme Action Directe, les Rote Armee Fraktion, les Brigate Rosse .... Ces terroristes n'ont pas plus ébranlé l'Occident que les médiatisés attentats djihadistes. Ce qui a été ruineux à la fin du siècle dernier, ce sont les milliers d'individus qui s'étaient massés derrière ces activistes, qui soutenaient leurs idéologies et leurs actions dans tous les millieux influents de la politique, de la culture, de l'éducation.

    Ce même caractère ruineux existe dans la mouvance islamique qui entoure le terrorisme djihadiste. Il existe autour du phénomène syrien une croyance que les progressistes tentent d'imposer. C'est que la menace terroriste qui s'applique principalement sur l'Europe occidentale, viendrait de l'extérieur et qu'elle serait supprimée dès lors que l'Etat islamique instauré en Syrie et en Irak serait détruit.

    On sait qu'il n'en est rien. D'une part, des milliers de brigands enrôlés dans cet Etat Islamique et dans d'autres organisations islamiques dont les liens avec les services spéciaux américains ne sont pas douteux, sont en train de revenir en Europe Occidentale sans qu'il soit possible de bloquer ces retours. Mais c'est loin d'être le plus inquiétant, même si les autorités occidentales chuchotent des paroles effrayées à leur sujet. D'autre part, il existe une mouvance qui soutient idéologiquement l'idée d'une conquête de l'Occident par l'Islam, dans une revanche historique qui monte peu à peu depuis les années 50.

    Cette mouvance islamique, qui se donne en Occident des airs occidentalisés pour tromper la candeur occidentale, se trouve avec le terrorisme islamique dans le rapport qu'entretenaient les élites acquises aux terroristes gauchistes des années 70. Ces élites lamentables sont à la source du progressisme qui est en train de détruire l'Occident, tout comme la mouvance islamique qui soutient objectivement le terrorisme islamique actuel fait monter un danger encore mal défini.

    Ce qui semble se dégager, c'est une collusion entre cette mouvance islamique et les forces progressistes. Dans les années 2000, on pouvait parler d'islamo-gauchisme. Aujourd'hui, cette alliance est devenue beaucoup plus bourgeoise parce qu'elle s'est élargie aux média, à la culture et à de larges secteurs de la vie politique occidentale dominée par le pôle progressiste. C'est le cas de la faction au pouvoir aux Etats-Unis qui appuye et excite les activistes islamiques. En sens contraire, la Russie, détestée par le pôle progressiste, met tout en oeuvre pour anéantir les visées de la mouvance islamique.

    Pourchassés par le pôle progressiste, les politiciens non--progressistes tentent de résister à la vague anti-russe, notamment pour appuyer la résistance contre la mouvance islamique. Mais, dès qu'ils sont identifiés, ils sont isolés et assaillis par des meutes de progressistes hurlant et haineux. Le scénario avait déjà été illustré lors des débats autour du terrorisme gauchiste des années 70.


Il existe une certaine naïveté à analyser de manière aussi schématique un système aussi complexe que le monde. Pourtant, nous savons que la politique s'exprime essentiellement dans la volonté d'imposer des décisions remontant à une analyse schématique de l'état du monde. C'est, en démocratie, sur la présentation de cette analyse schématique que les élections se font essentiellement et sur la volonté politique que les décisions en conséquence se prennent.

L'analyste est donc légitimé à risquer une analyse schématique du genre de celle-ci.

L'auteur de ces lignes ne se dissimule pas qu'il n'a identifié ici que trois éléments de l'état du monde. Il est très éloigné de décider d'une quelconque solution politique ou autre à ces "dangers" qui, pour d'autres, sont les forces vives de notre humanité. Il est en effet troublant que l'un voit le monde en décadence et l'autre l'estime florissant tandis que la majorité occidentale préfère hurler avec la meute progressiste en se précipitant vers le gouffre.


Revue THOMAS (c) 2017