Dépasser l'affaire des divorcés-remariés

Philippe Brindet - 29.09.2017

Un bref résumé de l'affaire

Le pape François convoque un Synode d'évêques sur la Famille. Lors de ce synode, deux questions suscitent des polémiques, à la fois hors du Synode et dans le Synode. La première question concerne la "pastorale des homosexuels" et la seconde concerne l'accès des divorcés-remariés à la Communion. Manoeuvrant les instances du Synode, le pape François parvient à faire une très timide avancée sur les homosexuels et force une non moins timide ouverture sur les divorcés-remariés.

Lors du rapport final, le Président du Synode refuse de présenter la synthèse sur ces deux questions et c'est le Secrétaire nommé par le pape François qui s'en charge. Elle est absolument conforme à l'idéologie du pape François dans un corps idéologique qui forme le bergoglionisme dont l'on voit maintenant clairement les contours.

Peu après, le pape François publie une exhortation apostolique, dite post-synodale et intitulée Amoris Laetitia. Celle-ci est accueillie de la manière habituelle pour un document pontifical. Mais, à quelque temps de là, quatre cardinaux publient une lettre qu'ils avaient adressée au pape François et qui était restée sans réponse. Cette lettre contenait cinq doutes concernant des propositions contenus dans un groupe de paragraphes du chapitre 8 de l'exhortation Amoris Laetitia portant sur la question de l'accès des divorcés-remariés à la Communion.

Une polémique suicidaire mais révélatrice

La "littérature" produite autour des Dubia des cardinaux restés sans réponse est énorme. Dans cette masse d'articles et d'entretiens émergent des personnalités ecclésiastiques comme le cardinal Burke et l'évêque oriental Athanasius Schneider, ou des spécialistes laïcs des questions catholiques comme Edward Pentin et Maïcke Hickson ou encore des théologiens comme le Pr Seifert, ou le Pr De Mattei.

Peu à peu, la polémique identifie deux camps : celui des conservateurs qui réfèrent à l'enseignement traditionnel de l'Eglise rappelé par Jean-Paul II et Benoît XVI et celui des progressistes qui triomphent sur une vieille diatribe soulevée peu après le Concile Vatican II par le prêtre allemand Haering et remise au goût du jour sous Jean-Paul II par l'évêque allemand Kasper, qui est devenu l'un des cardinaux écoutés du pape François.

On a l'impression que la faction des conservateurs tourne en rond, emprisonnée dans les Dubia de la partie du Chapitre 8 de Amoris Laetitia qui concerne le souhait du pape François de l'accès des divorcés remariés à la Communion. Avec une grande habileté, le pape ne répond presque jamais à la diatribe. Certains de ses acolytes font des réponses évasives ou exaspérantes allant de la vitupération contre les traditionalistes, "insulteurs du Pape", à la commisération feinte, insinuant que "tout est parfaitement clair" ...

De rage, les conservateurs s'en tapent sur les cuisses et restent "bloqués" sur l'aspect de l'atteinte à l'enseignement indéfectible de l'Eglise, la dernière fois exprimé par Jean-Paul II dans Familiaris Consortio, paragraphe 82.

On remarque que, dernièrement, en réaction probablement à la parution de la Correctio filialis cosignée par le lefebvriste Mgr Fellay, le pape a sournoisement fait paraître un échange "informel" avec des Jésuites colombiens dans lequel il les charge d'expliquer aux gens qui ne comprennent rien à rien que Amoris Laetitia est parfaitement "thomiste" ... Il s'agit d'un vrai régal de gourmet de lancer à des traditionalistes que ce qu'ils critiquent est approuvé par leur plus grande référence théologienne, Saint Thomas d'Aquin.

Or, selon le redoutable Ed Pentin, l'argument remonte au cardinal Marx, président des évêques allemands, qui a prétendu qu'une commission de sa Conférence avait vérifié que 'Amoris Laetitia' était "thomiste" ... Et c'est parfois répété par des gens comme Schönborn, le fameux commentateur autorisé de "Amoris Laetitia". Or, des thomistes patentés comme le professeur Basil B. Cole OP dans PENTIN E - Is ‘Amoris Laetitia’ Really Thomistic (161216).html, ont fait justice de cette locution spécieuse. Le RP Cole explique ce que l'on peut raisonnablement entendre par l'épithète "thomiste" et en conclut que rien ne permet de qualifier "Amoris Laetitia" de la sorte et que, si cela avait été le cas, il aurait encore fallu que le contenu de "Amoris Laetitia" fut fidèle à l'Evangile du Christ et conforme à l'enseignement de l'Eglise, ce que le RP Cole dénie.

Le coup monté de Amoris Laetitia

Il semble cependant que, bien que l'affaire de "l'accès à la Communion des divorcés-remariés" ait tout du coup monté, elle ne tourne pas vraiment à l'avantage du bergoglionisme, installé de manière probablement fauduleuse par des gens comme Danneels et Kasper.

Coup monté parce que, pour importante que soit la question de la communion des divorcés-remariés, il en existe cent autres bien plus urgentes. Personne n'interroge la pratique religieuse des divorcés remariés ... C'est qu'il s'agit donc plutôt d'une question de "principe" ... Comme si lorsque le feu est à la maison, on devait résoudre la question du protocole pour en sortir ...

Et coup monté, parce que, si la question peut paraître quelque peu accessoire, elle débouche sur un certain nombre de conséquences terribles, parfaitement identifiées par le Prof Josef Seifert dans "Does pure logic threaten to destroy the entire moral doctrine of the Catholic Church?", August 5, 2017, Aemaet Bd. 6, Nr. 2 (2017) 2-9. Pour avoir posée la bonne question, Seifert a tout simplement été démissionné de ses postes académiques dans l'Eglise catholique romaine .... Dans l'Eglise perdue, il vaut mieux ne pas avoir raison ...

Mais, à notre avis, la manoeuvre va encore plus loin que la théologie morale, pour importante qu'elle soit. Si, en effet le divorcé-remarié est en état de péché mortel, son accès à la Communion est un sacrilège qui porte, non pas sur un point de morale, mais sur la négation même du christianisme et de l'Eglise : l'Eucharistie, mystère central du christianisme. Accepter le péché mortel comme condition d'accès à l'Eucharistie, c'est le blasphème absolu, la négation éclatante de Dieu Lui-même.

Et c'est bien vers cela que le pape François et son bergoglionisme, "tourné vers les périphéries" ... se dirige à grand pas, acclamé par les gambades des progressistes ravis..

Les progressistes, les conservateurs et ... la majorité silencieuse

Les membres de la faction progressiste qui soutiennent encore le bergoglionisme au pouvoir semblent montrer un certain flottement pour des raisons diverses. Le bergoglionisme se maintient encore grâce à sa suffisance et au sentiment de ses membres d'appartenir à la Cour d'un Grand de ce monde.

Dans le même temps, la "majorité silencieuse", qui s'est comme d'habitude réfugiée dans la soumission à l'évêque de Rome, commence peu à peu à trouver bizarre ce pape qui préfère se promener dans les rues de diverses villes du monde plutôt que de célébrer sa messe, de se soucier des hôtels à migrants plutôt que des églises désertées, et tant d'autres fariboles.

Selon certaines sources, la papolâtrie, notamment initiée par la célébrité de Jean-Paul II et notablement maintenue sous Benoît XVI, s'est effondrée en quelques mois sous François. La place Saint Pierre n'est plus aussi peuplée lors des démonstrations du pape qui, de fait, préfère prudemment sa chambre de l'hôtellerie Sainte-Marthe.

En effet, de manière moins centrée que les conservateurs, la majorité silencieuse se rend parfaitement compte que, s'il n'y avait que la question des divorcés-remariés, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais, les gens se rendent compte qu'il y a un sérieux problème avec ce pape François. Ils ne savent pas vraiment sur quel sujet et ne sont pas prêts à désigner "sept hérésies" ... Mais, leur bon sens les avertit que le "pasteur" a un problème.

C'est par exemple l'opinion du spécialiste des religions du Figaro, Jean-Marie Guénois, qui intitule son article «Le Pape trouble une partie significative des catholiques» ...

Si donc les progressistes au pouvoir commencent à flotter quand la majorité silencieuse est "troublée", on comprend que, ce que certains osent appeler la "révolution François", pourrait sonner l'heure d'un détournement massif des derniers pratiquants des ecclésiastiques liés au Vatican. La chose est clairement apparue dans une autre situation, il y a plus de 220 ans. Lorsque en 1791, la démocratie révolutionnaire a nationalisé le culte catholique, par la Constitution civile du clergé, les fidèles catholiques ne sont pas retournés dans les églises. Ils ont attendu le Concordat de 1801. Vingt ans pendant lesquels les prêtres fidèles ont célébré la messe et les sacrements dans les caves, les granges, les greniers. Avec leurs fidèles, ils ont été guillotinés, fusillés, noyés dans la Loire, déportés à Cayenne, .... Grâce à leur martyre, nous sommes chrétiens.

La "révolution François" aura sur notre "révolution Nationale" le seul mérite d'être mondiale ...