Quelques considérations historiques

Philippe Brindet - 06.10.2017

Le vertige prend l'observateur de bonne foi dès lors qu'il prend un peu de hauteur sur les événements contemporains.

Si nous considérons la dernière déclaration publique du président de la République française, nous en apprenons que :

« Il y en a certains au lieu de foutre le bordel, ils feraient mieux d’aller regarder s’ils peuvent avoir des postes là -bas. Parce qu’il y en a qui ont les qualifications pour le faire. C’est pas loin de chez eux ».

Devant le tollé général soulevé par cette réflexion qui avait dû lui paraître frappée du coin du bon sens, le même personnage a déclaré aux journalistes

« le bordel, c'est vous qui le mettez»
Il faut reconnaître que certains d'entre eux, le matin même, avaient trouvé spirituel de rechercher le sens et l'origine du mot "bordel" ....

On cherche dans la mémoire nationale si un tel incident est fréquent. Hollande avait vacillé entre les "pigeons" et les "sans-dent". Avant lui, Sarkozy et son "casse-toi pôv'con!", et encore avant lui, Chirac avec son "et les odeurs je m'excuse" viennent très vite à la mémoire. Mais, plus avant dans le temps, rien. Mitterrand : rien. Giscard ? rien. Pompidou : rien. Et De Gaulle ?

A la limite, le manque d'éducation, la vulgarité, la brutalité langagière, nous indiffère, même si elles semblent des incongruités dans l'accomplissement des hautes fonctions d'un président de la République française.

S'il n'y avait que cela, ...

Mais ces "bons mots" dénotent une conception de la fonction présidentielle et une façon de voir le peuple quand l'individu parvient au poste suprême de l'Etat qui donne le vertige. Pourquoi le président de la République devrait-il décider des actions de quelques salariés d'une PME ? Ce n'est pas son affaire.

Par contre, que ces mêmes salariés soient furieux de la politique qu'il a lui-même décidée - et à la place de son Premier Ministre - il faut impérativement pouvoir le comprendre. Et Macron ne le comprend pas.

Et le "pôv' con" pourquoi ne se casse t'il pas ? Et les "odeurs", pourquoi y en a t'il ? Ou pas ? Et les "pigeons" et autres fainéants, croyez vous qu'ils vont se satisfaire de "mots d'esprit" ?

Ce qui étonne c'est que, alors que les français d'autrefois élisaient des personnalités pleines de dignité, pénétrées du sentiment de l'importance de leurs fonctions, les français contemporains élisent des excités, vaguement illuminés par des préjugés partisans, persuadés que les français sont des fainéants incapables de la "réforme" ou encore qu'on va "nettoyer au Karcher ..."

Et il faut reconnaître qu'on peut tout leur faire à ces français d'aujourd'hui. On peut les insulter, leur prélever un peu plus de leur nécessaire, les contraindre par des milllions de lois, de décrets, d'arrêtés, de directives, les soumettre à l'arbitraire de fonctionnaires pratiquement sans contrôle. Les français d'aujourd'hui râlent, choisissent les "mauvaises" réponses dans les sondages. Ils n'en votent pas moins systématiquement pour des gens dont ils ne recherchent même pas les intentions, mais qui leur sont désignés par des groupes de pression : Chirac, Sarkozy, Hollande, Macron ...

Une ressemblance qui commence par la brutalité et la vulgarité.

Et le fait que la même politique est, à quelques variantes cosmétiques près, toujours la même : toujours plus d'impôts, toujours plus de dettes, toujours plus de contraintes administratives, toujours plus d'européisme ou d'atlantisme, ....

Le tournant se situe probablement lors du "règne" du vibrionnant Giscard d'Estaing, quand les prélèvements de l'Etat ont dépassé les 40% de la production nationale et que le nombre de décrets annuels a dépassé les trois cent mille. C'était justement sous son règne.

La contestation a joué encore un peu. Et nous avons vécu des grèves et de quasi insurrections qui, la plupart ont été éteintes dans le torrent des promesses oubliées, de celles qui n'engagent que ceux qui les écoutent ...

Depuis, les français ont été trompés par la fausse doctrine de l'alternance. Comme si entre Chirac et Mitterrand, il y avait eu le moindre soupçon de différences. Comme si Macron, qui revendique le "ni droite, ni gauche", pouvait prétendre à la moindre différence avec Hollande dont il avait été le conseiller puis le ministre.

Et les français constatent ou constateront que le vide béant s'ouvre aujourd'hui. Le régime dans lequel ils vivent les entraînent dans une chute mortelle, une descente constante depuis quarante ans. Sans "alternance" ...

Qui va se réveiller dans l'avion avant le crash ? Qui pourra appliquer une politique alternative ?